Le responsable de formation, est-il responsable de quelque chose ?

par | 24 juin 2020 | Juridique, Organisation

La responsabilité du responsable de formation, fait suite à une “causerie métier” au sein de la plateforme numérique de l’AFFEN avec Jean-Marie LUTTRINGER. J’ai voulu donner une suite à ce travail en interrogeant la liberté et le risque qu’encourait le responsable de formation en entreprise. Au fond, quels sont les risques auxquels sont confrontés les responsables de formation dans l’exercice de leur métier ? De quoi doit-il se méfier ? Et particulièrement dans la période post-confinement ? 

1, La responsabilité civile 

Le responsable de formation est un salarié de l’entreprise. 

Il s’est engagé dans un accord synallagmatique avec l’entreprise qui crée des obligations réciproques. En cas de litige, le juge de droit civil détermine des dommages et intérêts pour non-exécution des obligations de l’une ou l’autre des parties. La concrétisation de l’expression du consentement est le contrat de travail. 

De quelles obligations s’agit-il ? 

L’employeur à des obligations qui découlent du contrat de travail comme l’obligation d’adaptation au poste de travail, si cette obligation n’est pas remplie l’employeur peut être sanctionné juridiquement par des dommages et intérêts versés au responsable de formation. 

Cette obligation repose sur la notion de qualification contractuelle du salarié. Il est intéressant de noter que la notion de qualification a un sens juridique, alors que la notion de compétences qui est pourtant plus utilisé dans le sens commun, n’a pas de dimension juridique.  

La qualification est d’abord une présomption de qualification en fonction des titres et des diplômes, puis c’est le contrat de travail qui détermine les limites de l’action de chacun, il est opposable. Le responsable de formation doit tenir compte de sa fiche de poste, c’est la mission que lui confie l’entreprise. Il est donc important de veiller à son actualisation pour connaître le périmètre précis de sa responsabilité : GPEC, gestion avec les partenaires sociaux, ingénierie pédagogique, … 

Le responsable de formation ne peut pas avoir sa responsabilité personnelle engagée du fait de sa situation de subordination à l’employeur. Ce principe de base connaît toutefois une exception, si le dirigeant lui a demandé explicitement la réalisation d’une action contractuelle, il pourra alors se retourner contre le responsable de formation pour lui demander dommages et intérêts pour non-respect de ses obligations. 

On peut noter que la responsabilité du responsable de formation est une obligation de moyen comme pour les médecins ou les avocats. Pour une raison simple, c’est que, c’est l’apprenant qui apprend, il a son libre-arbitre. C’est le fameux théorème de Bertrand Schwartz : « on ne forme pas une personne, elle se forme ». Le responsable de formation ne peut être tenu pour responsable du résultat. Mais a-t-il tout mis en œuvre pour que l’apprenant apprenne ? Il doit être capable d’en faire la preuve. 

On peut noter que, dans le cas de sa responsabilité de choisir un bon organisme de formation, le responsable de formation doit être capable de justifier son choix : la réputation, le prix, la certification, … il doit être capable de justifier du respect des procédures usuelles. Un tel arsenal fait souvent préférer des gros organismes de formation plus sécures que des petites structures plus proche nos besoins, mais dont on pourrait critiquer la partialité du choix. 

2, La responsabilité pénale 

La responsabilité pénale est d’une autre nature que la responsabilité civile, c’est une responsabilité qui sanctionne les infractions. Elle met le responsable de formation face à la société… la sanction n’est pas un dommage et intérêt mais des contraventions voir de la prison. 

Là encore, le responsable de formation comme salarié n’est pas directement responsable sauf si son contrat prévoit une délégation de responsabilité, l’employeur pourrait alors se retourner contre lui.  

La société protège, par exemple, les représentants du personnel et condamne les non-respects de procédures comme délit d’entrave qui peut aller d’une amende de 7 500 €, voir 1 an d’emprisonnement par délit. Par exemple, pour la construction du plan de développement des compétences, le responsable de formation devra respecter les délais d’information, de réunions et de validation en conformité avec le code du travail. 

La responsabilité pénale est particulièrement importante pour tout ce qui a trait à la sécurité. L’employeur est obligé d’organiser la sécurité des collaborateurs. Et avec de déconfinement, la notion de sécurité sanitaire ouvre des obligations importantes et le responsable de formation doit être capable d’apporter la preuve qu’il a mis en œuvre toutes les protections nécessaires, d’où les réserves encore fortes pour le présentiel et l’installation durable dans le tout numérique. 

La notion de sécurité va jusqu’à l’anticipation des risques futurs, le responsable de formation doit faire preuve d’anticipation. La définition précise sera apportée par la jurisprudence, c’est l’usage qui définira la frontière des responsabilités. 

3, La responsabilité sociale 

La responsabilité sociale, que certains appellent par néologisme responsabilité sociétale, a été définie par la Commission européenne, en 2011, comme “la responsabilité des entreprises vis-à-vis des effets qu’elles exercent sur la société“. “Être socialement responsable signifie non seulement satisfaire pleinement aux obligations juridiques applicables, mais aussi aller au-delà et investir « davantage » dans le capital humain, l’environnement et les relations avec les parties prenantes”.  

A ce jour, la responsabilité sociale n’a pas d’impact juridique pour le responsable de formation, sous réserve d’une définition contractuelle d’objectifs opérationnels.  

Mais elle a un impact important pour l’image de marque de l’entreprise, le Corporate banding. Cette responsabilité marketing : faire de l’entreprise une entreprise apprenante, un apprendre ensemble, un ascenseur social, … devient stratégique surtout depuis la loi Pacte (22 mai 2019) qui oblige les entreprises à redéfinir leur “raison d’être” avec la mise en œuvre d’objectif sociaux et environnementaux mesurables. La formation peut tout à fait être impactée par cette évolution juridique. 

La responsabilité du responsable de formation réinterroge la définition même du métier. LE responsable de formation peut être vu comme un expert-comptable, garant du respect du droit et des procédures… maître des limites, en toute conformité avec la tradition de rationalisation du 20ème siècle. Mais il peut être vu aussi comme un agitateur, un agent de transformation, qui réenchante l’entreprise sous la contrainte du droit. C’est le vieux débat de la norme qui soit une fin en soi, soit le début d’une audace…  

La formation ne sert pas à faire de la formation, mais à trans-former les entreprises pour répondre à des orientations stratégiques… 

Stéphane Diebold, Paris le 24 juin 2020

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