Comment former autrement ? 4 propositions originales

par | 22 juin 2021 | Pédagogie

Former repose sur des mythes sociaux, ce que Thomas Khun appelait des “paradigmes dominants”, des évidences qui sont les vérités sociales du moment. Un des mythes actuels depuis Descartes est le “je pense donc je suis” qui propose la dualité entre le corps et l’esprit. Le corps étant le siège de l’animalité de l’homme, un “homme machine” avait dit Julien Offray de La Mettrie, et l’esprit, le siège de la raison, la partie noble de l’homme, celle qui autorise la formation rationnelle. 

Ce qui est passionnant dans la période que nous vivons, c’est que tous les modèles traditionnels sont réinterrogés et ouvrent à une créativité formative, la création au profit de l’art de transmettre. Peut-on réellement se former l’esprit sans le corps ? Peut-on former le corps sans l’esprit ? Autant de questions qui rompt avec le paradigme dominant, mais qui propose des alternatives particulièrement intéressantes et opérationnelles, pour qui ose la créativité en entreprise. De quoi s’agit-il ? 

1, Le sport comme outil de formation 

Le sport et la formation ont en commun la performance sociale, une analogie formative. Mais le sport a une autre vertu, il augmente les capacités mémorielles et la créativité des apprenants. “Un esprit sain dans un corps sain” disaient les anciens pour augmenter les performances de l’esprit. L’éthologie a montré que l’activité physique stimule la neurogénèse, autrement dit, le développement de nouveaux neurones, mais aussi la synaptogénèse, le développement des synapses qui entourent la connexion des neurones, ainsi que la production de neurotransmetteurs qui est cette molécule chimique qui assure la transmission des messages d’un neurone à l’autre par le biais des synapses. Les neurosciences viennent au secours du sport en formation. 

En septembre 2020, les scientifiques de l’Université de Genève (UNIGE) ont demandé à un groupe de 15 hommes jeunes et en bonne santé, sans pour autant être des athlètes, de se soumettre à un test de mémoire dans trois conditions d’exercice physique : après 30 minutes de vélo d’intensité modérée, après 15 minutes de vélo intensif, ou après un moment de repos. C’est après une séance intensive que les performances sont les meilleures. Ce résultat n’a rien de nouveau puisque dès les années 70, le pédagogue américain, Paul Dennison, proposait une étude scientifique contestée, la Brain gym pour améliorer les performances de mémoires par les exercices physiques.  

Concrètement, il s’agit de faire dans nos formations des pauses sportives de 15 ou 20 minutes. D’autres études scientifiques que celles de l’UNIGE, favorise des sports moins intensifs comme la marche ou le tai-chi par exemple. Cela relance la place des formations outdoor et en plus, cela socialise les apprenants. 

2, Le sommeil comme outil de formation  

Le sommeil a longtemps été considéré comme un temps mort pour l’apprentissage, Pierre Fluchaire parlait de Révolution du sommeil (1983) avec la découverte des cycles du sommeil. Il donnait son exemple personnel, en respectant ses cycles du sommeil, d’une durée approximative de 2 heures, il est possible de ne dormir que 2 cycles (4 heures) comme Thomas Edison, et pouvoir économiser 4 heures par jour (la durée moyenne de sommeil étant de 8 heures), soit une économie de 20 heures par semaine pour se consacrer à l’apprentissage. La formation pourrait aider les apprenants à devenir des maîtres du temps, des managers de leur propre temps disponible, sachant que là encore les dotations initiales sont très différentes d’un apprenant à l’autre. Les économies de temps peuvent permettre à ceux qui sont saturés de trouver de nouvelles plages horaires pour se former. 

Aujourd’hui, le sommeil n’a plus ce temps mort, il a une fonction apprenante. Il remet en ordre toutes les informations captées durant la journée. Il permet de ranger, la consolidation de la mémoire de court terme en mémoire à long terme avec un rôle particulier sur l’abstraction pour mieux mémoriser, sortir du spécifique pour entrer dans le conceptuel. On retient deux temps dans le sommeil, le sommeil lent et le sommeil paradoxal, celui des rêves. Ils ont tous deux leur utilité apprenante. Le sommeil paradoxal permet de garder en mémoire principalement la mémoire procédurale, la mémoire des savoir-faire ou des habiletés motrices, là où le sommeil lent permet d’organiser la mémoire épisodique celle qui contextualise les événements de la journée. Les apprentissages sur une journée pleine sont moins efficaces en termes d’apprentissage que des apprentissages morcelés, étalés sur plusieurs journées, permettant ainsi plus de sommeil et de consolidation. Le numérique permet d’émietter plus facilement la formation au profit d’une plus grande efficacité. 

Le pédagogue pourrait permettre à l’apprenant à manager des micro-siestes ou des siestes réparatrices de 10 ou 20 minutes, particulièrement après le repas avec la digestion qui capte toute l’attention de l’apprenant, le fameux coup de barre que connaissent les animateurs avec la création sur le lieu de travail de zone de sieste pour consolider les apprentissages.  

3, La nutrition comme outil de formation 

La relation entre nutrition et mémoire existe depuis bien longtemps. Qui n’a jamais entendu dire que le poisson favorisait la mémoire ? La réalité est parfois plus subtile, les scientifiques croyaient que le poisson étant riche en phosphore, 100 à 200 mg pour 100 gr de poisson, et que le phosphore se retrouvait dans la membrane cellulaire des neurones, l’apport en phosphore nourrissait la mémoire. Le lien n’est pas prouvé, mais certains poissons sont fortement bénéfiques comme le maquereau, le saumon ou le hareng riche en oméga-3 acide gras essentiel au bon fonctionnement cérébral. Les oméga-3 favorisent la myélinisation des neurones, autrement dit, la création de la couche protectrice des neurones qui favorise la transmission les messages nerveux.  

On aurait pu citer la vitamine B9, appelée aussi acide folique, que l’on retrouve dans les abats, les légumineux (haricots, lentilles, fèves, pois) et certains légumes verts comme les épinards qui renforce la mémoire. Ce qui est particulièrement conseillé pour les personnes de plus de 50 ans. On aurait pu aussi parler de la vitamine C ou D qui ont aussi des effets aujourd’hui incontestés sur l’apprentissage. Enfin, on sait tous que le petit-déjeuner est le repas le plus important de la journée, et bien c’est vrai aussi pour l’apprentissage. Le cerveau est glouton d’apports nutritionnels, il ne représente que 2 % du poids du corps, mais consomme à lui tout seul 20 % des apports nutritionnels avec une préférence pour les céréales, les produits laitiers, les œufs, le pain… des sucres lents pour augmenter nos performances cognitives. 

La pédagogie pourrait organiser le café d’accueil, les pauses et le repas du midi avec une alimentation cognitive. Le petit cake aux myrtilles de l’après-midi est un acte formatif. Les bonbons sont bons même pour la mémoire à condition d’en prendre sans additifs, les sirops de glucose-fructose, les bonbons Haribo ou autres ne sont pas nos alliés pour l’apprentissage, sauf peut-être dans la sensation de plaisir.  

4, La méditation comme outil de formation 

La médiation est tintée d’orientalisme, particulièrement avec le bouddhisme zen, mais Montaigne déjà dans les Essais écrivait “Quand je danse, je danse ; quand je dors, je dors ; voire et quand je me promène solitairement en un beau verger, si mes pensées se sont entretenues des occurrences étrangères quelques parties du temps, quelque autre partie, je les ramène à la promenade, au verger, à la douceur de cette solitude et à moi.” Thich Nhat Hanh, dans le Village des pruniers, près de Bordeaux, est mondialement connu pour la méditation marchée. La méditation consiste à se concentrer sur le réel en laissant passer nos pensées. Souvent, il s’agit de se concentrer sur la respiration en observant toutes les sensations de l’aire qui passe par le nez, qui entre dans les poumons, et qui fait chemin inverse. Une voix peut animer l’exercice avec des techniques de communication éricksonnienne. Une technique pour quitter la réalité pour entrer dans le réel.  

La science et les neurosciences se sont fortement intéressées au phénomène avec en France le premier à avoir introduit le Mindfullness est le Docteur Christophe André. L’avantage pour la formation, est que la méditation permet de rendre le cerveau disponible, ce qui favorise l’attention, la mémorisation et la créativité de l’apprenant. La formation deviendrait ainsi une pratique de slow management qui a bien des choses à enseigner au sein des entreprises. 

La pédagogie peut organiser des séances de médiation de 15 ou 20 minutes pour permettre à l’apprenant de se concentrer plus fortement sur ses apprentissages. La médiation de groupe favorise l’intensité de la pratique et selon certaines études favoriseraient des comportements coopératifs et bienveillants. 

La formation est un apprentissage socialisé. Elle est le reflet sociétal et de la volonté propre à chaque entreprise de militer pour un devenir. Le sociétal redonne la main aux apprenants après les avoir infantilisés durant des siècles. Ce changement de paradigme a une conséquence majeure, l’abandon de la fiction de l’individu au profit de celle de la personne beaucoup plus riche. Ce changement réinterroge la place des émotions, moteur du mouvement, mais aussi de connaître réellement les apprenants dans beaucoup plus de dimension que leur simple expression des besoins, fut-ce-t-elle supervisée. Les biorythmes apprenants peuvent faire partie de l’équation. Reste à former les formateurs pour qu’ils deviennent les “hussards noirs” de cette nouvelle pratique en devenir qui ferait rimer formation et bien-être ? La rime est pauvre, mais c’est tout le travail de socialisation que de l’enrichir pour le bonheur de tous. 

Fait à Paris, le 22 juin 2021 

@StephaneDiebold 

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