Comment optimiser une relation apprenante ?

par | 14 février 2023 | Marketing

La relation apprenante est un concept qui trouve son origine dans le tout début du 21ème siècle grâce aux progrès du numérique et à l’accroissement de la capacité de traitement de l’info qui permet d’envisager des politiques de Learner Relationship Management (LRM), du « one to one » en masse. C’est la personnalisation de la formation qui peut être envisagée, proposer des formations sur mesure en masse. Aujourd’hui, un quart de siècle après, la question n’est plus tant de s’interroger sur la pertinence de cette relation que de s’interroger sur son optimisation. Comment améliorer le parcours apprenant du point de vue de l’apprenant ? Qu’est-ce qui permet l’érotisation de la formation et non plus le simple déroulé d’un process formatif ? Avec le retour d’expérience, quelle méthodologie permet d’optimiser la relation apprenante ? Comment faire ?

1, Construire une cartographie du parcours

Le projet de cartographie est un projet qui mobilise l’ensemble du service formation. Il s’agit de demander à l’ensemble des collaborateurs : les formateurs, les pédagogues et les managers de piloter la construction du projet. Concrètement, il s’agit de leur demander de se mettre à la place des apprenants et de conduire des interviews sur le terrain pour interroger les apprenants sur leur façon de vivre leur parcours. La fonction de formation se met à l’écoute des apprenants réellement. C’est un changement culturel qui permet de regarder différemment leur métier en questionnant les usagers. C’est parfois très révélateur. Cela permet aussi de construire une culture commune et d’en faire des ambassadeurs de ce projet, un outil de marketing social efficace compte tenu du crédit que représente le service formation en général.

Comment faire ? Il s’agit d’interroger l’apprenant et/ou les managers pour connaître leurs attentes initiales et de les comparer à la promesse produit. Ont-ils le sentiment de survente avec la déception qui est son corollaire ? Le manager du projet découpe le parcours client en grandes étapes : par exemple, l’inscription, la classe inversée, le présentiel, le suivi. Chaque grande étape est interrogée sur la perception de l’apprenant. On peut découvrir les canaux d’inscription avec une présence plus ou moins forte du N + 1, mais aussi le temps entre la demande et sa réalisation, ou encore le suivi. Il s’agit d’identifier l’ensemble des points de contact numérique ou présentiel.

Une fois identifié les points de contact de l’apprenant, on leur demande la valeur qu’il y perçoit afin de travailler la fluidité du parcours. La valorisation positive et négative des points de contact permet de dégager les points d’amélioration possible. Les points noirs doivent être réinvestis pour éviter le désenchantement voir de les transformer en point positif. Construire un service de réclamation apprenants, permet d’écouter le mécontentement et cela donne le sentiment que la parole est entendue. La théâtralisation de points de contact pendant, par exemple, la pédagogie, permet de susciter une courbe d’émotion pour l’apprenant, l’effet waouh ou la tentation de l’extraordinaire permet une adhésion affective plus forte de la relation. L’apprenant donne son avis.

2, Construire des indicateurs de pilotage

Le KPI de référence est le LSAT (Learner Satisfaction). Il ne s’agit pas tant de savoir si l’apprenant est content de la formation que de savoir si la formation lui a été utile dans son caractère opératoire. Il devient celui qui donne de la valeur à la formation. C’est un changement culturel de faire confiance à l’apprenant et de l’aider à devenir un évaluateur de ses propres apprentissages. Souvent, les organismes de formation proposent le NPS (Net Promoter Score) pour savoir si l’apprenant serait ambassadeur de la formation auprès de ses collègues. Ce sont des bons indicateurs à condition de ne pas les positionner de façon trop globale. La satisfaction doit être évaluée tout au long du parcours de la formation pour identifier les moments irritants et les moments de réenchantement pour l’apprenant. Une batterie d’indicateur permet de suivre l’état d’esprit de l’apprenant tout au long du parcours quitte à construire un agrégateur pour assurer une visibilité globale, le diable se cache dans les détails pour l’ensemble des parcours et pour la singularité de chacun.

Raisonner en parcours de formation nécessite d’introduire des indicateurs de fidélisation, la formation doit se comprendre tout au long de la vie professionnelle. Cela permet pour chacun de savoir si l’adage « la formation appelle la formation » est vérifié. Et d’organiser le lien entre les formations présentes et futures, construire un indicateur de fidélité pour quantifier le suivi. Ce peut être une politique de Big data qui est particulièrement intéressante, car la machine connaît mieux l’apprenant qu’il ne se connaît lui-même. Piloter par la date nécessite un contrat social pour favoriser son acceptabilité sociale. Mais le trend est lancé, les stratégies de Big data se renforcer par des politiques de prédictibilité, qui permettent de proposer des formations avant même que le besoin ne soit identifié. La formation sort de l’urgence pour entrer dans l’anticipation grâce aux politiques d’évaluation.

Les KPI deviennent des outils de communication et de transparence de la politique de formation menée. C’est la raison pour laquelle l’évaluation doit être social scoring, c’est-à-dire que chaque apprenant doit connaître l’évaluation des autres et l’utilité sociale de la formation au sein de l’entreprise. La communication des KPI devient des outils de confiance et de promesse produit pour les apprenants. Cela favorise l’appétence et l’engagement. Par exemple, une fois identifié un taux d’insatisfaction moyen pour un type de formation, cela permet au service pédagogique de repenser toute une série de grains pour augmenter la satisfaction future. De même, dire que « la formation est à l’écoute des apprenants » est une phrase politiquement correcte alors que dire que « 98 % des apprenants qui ont été insatisfaits ont été rappelés dans les 24 et une proposition a été faite dans la semaine qui a suivi et a permet de diviser le taux d’insatisfaction par deux », illustre d’une volonté plus crédible. Les KPI sont tout à la fois des outils de communication sur la politique de formation suivie, tout comme une communication sur l’ambition stratégique de la formation, la chiffré est une façon de lui donner un crédit et une traçabilité partagée dans le temps.

3, Construire une stratégie relationnelle de la formation

La relation apprenante propose de redonner la parole aux apprenants, autrement dit de ne plus les infantiliser. Un enfant est étymologiquement celui qui n’a pas le droit à la parole avec une politique d’évaluation de la qualité relationnelle de la formation, il s’agit de l’interroger tout au long du parcours, autrement dit faire de l’homme en formation un adulte, étymologiquement celui qui a grandi. Le rôle de l’organisation de la formation est de l’aider à grandir pour qu’il devienne l’étalon de la valeur de la formation. La formation est de plus en plus indispensable dans un monde en trans-formation. Encore faut-il le faire savoir, une transparence sociale que chacun peut suivre s’il le désire. Autrement dit, la première étape est d’afficher la promesse produit quantifiée de la formation : « 80 % des managers autodidactes acquièrent un Master II par VAE sur 2 ans » ; et définir des KPI de suivi avec par exemple, la progression du taux et le LSAT pour les participants. Redonner la parole aux apprenants et que cela se sache.

Un des écueils de cette politique d’écoute de l’apprenant est parfois de trop donné d’importance à cette écoute. C’est la fameuse citation d’Henry Ford : « Si j’avais demandé aux gens ce qu’ils voulaient, ils m’auraient répondu un cheval plus rapide », Henry Ford a créer le fameux Modèle T. Ce qui faisait dire à Steve Jobs : « Ce n’est pas le rôle du client de savoir ce qu’il veut » que l’on pourrait traduire par « Ce n’est pas à l’apprenant de savoir ce qu’il veut » mais au service de formation de proposer des formations enthousiasmantes pour l’apprenant, de le surprendre. C’est le fameux « effet waouh » en pédagogie. L’apprenant-roi ne veut pas dire que c’est à lui de tout faire… heureusement, mais de tester l’impact des propositions de formation. La responsabilité de la formation appartient au service de formation, mais il introduit des nouveautés comme le design, l’ergonomie pour optimiser l’engagement de l’apprenant dans l’apprentissage socialement nécessaire.

Le travail d’organisation passe par une connaissance des apprenantes. Par exemple depuis le début du siècle, le marketing a pu détecter une plus forte demande d’accompagnement de la part des apprenants. Il ne s’agit pas seulement de les accompagner pendant la formation, mais autour de la formation en amont comme en aval. Aujourd’hui, le numérique offre des belles opportunités pour proposer des solutions comme par exemple les Bots qui se transforment de plus en plus en agent conversationnelle, le cas de ChatGPT est particulièrement intéressant, mais cela peut prendre aussi la formation de communauté apprenante avec des politiques de pairagogie avec des politiques de challenges ou de Learner Generated Content. D’autres possibilités permettent une industrialisation de solution comme le coaching collectif, le co-developpement,… tout est bon, mais c’est le rôle du service de formation de construire ces territoires. Le travail d’organisation de la formation est le fait des responsables, mais le pilotage est le fait de l’écoute de la satisfaction des apprenantes pour savoir comment faire pivoter ses espaces.

L’entreprise est le lieu idéal de la construction de la politique de formation de l’entreprise parce qu’elle est le niveau qui associe le choix stratégie spécifique et les conséquences opérationnelles que cela induit. Son rôle social est essentiel, car c’est le lieu de l’érotisation de la formation, donner l’envie à l’apprenant de choisir les formations dont il a besoin. Le service de formation est au cœur d’une politique relationnelle de l’apprenant, fidéliser l’apprenant dans un désir d’apprendre. C’est une belle raison d’être du service formation que de faire en sorte que l’émotion de chacun sa transformation en une émotion de tous. N’est-ce pas là l’ambition historique de la formation, transformer l’individu en collectif ?

Fait à Paris, le 14 février 2023

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