La Love Brand est une notion marketing née dans le BtoC. Avec la montée en puissance du marketing de la formation, la notion peut être benchmarkée par le BtoB, et particulièrement pour les fonctions corporates. La Love Brand parle de l’émotion, de l’engagement, de la fidélisation, autant de notion qui ont trouvées, depuis le début du 21ème siècle, leur place dans le monde de la formation. Le transfert, a-t-il du sens ? Le Learnal Branding, doit-il construire des passerelles entre des pratiques BtC et les pratiques BtoB ? La Love Brand, doit-elle être un passage obligé pour le marketing de la formation et plus généralement pour l’érotisation de la formation ? Qu’est-ce qui pourrait faire sens ? Comment la Love Brand peut aider la formation à atteindre ses objectifs ? Que faut-il en penser ?
1, Qu’est-ce qu’une Love brand ?
Le mot de Love Brand est né du CEO de l’agence de communication Saatchi & Saatchi, Kevin Roberts, en 2 005. D’où cela vient-il ? La notion de marque est née dans sa conception contemporaine de la réclame, clamer plusieurs fois, pour dire la ou les qualités du produit. La marque était argumentaire, rationnelle. Avec les années 70, la réclame a pris le virage de la publicité, créer une marque comme un univers émotionnel avec une palette d’émotions de plus en plus subtile. La fin du siècle dernier voit naître la marque relationnelle, c’est l’usager qui est au centre de la relation, il s’agit de favoriser l’accroche, la consommation et la fidélisation. En 1998, né la User eXperience (UX) qui nourrit la relation comme une aventure humaine. C’est dans ce cadre que la Love Brand (2005) crée un lien de confiance entre la marque et l’usager, reste à nourrir ce lien pour de confiance pour l’inscrive dans le temps et favoriser un engagement de plus en plus fort autour des valeurs de la marque.
La marque d’entreprise que Philip Kotler appelait marketing social en 1971, « Le marketing social est le design, l’implémentation et le contrôle de programmes de pensée pour influencer l’acceptabilité d’idées sociale ». En 1995, John Balmer, Professeur de Corporate marketing au Brunel University of London, montre dans un article du Journal of General Marketing, que l’image de marque de l’entreprise influence fortement les comportements des collaborateurs, en 2006, il publie « Brand Culture » qui devient la référence dans le domaine. La Brand Culture est un facteur de motivation, d’engagement, de confiance des collaborateurs, être aligné sur les valeurs de l’entreprise est un facteur de performance. Le corporate branding touche tous les services de l’entreprise. La formation doit construire sa marque pour augmenter sa performance. Le Learnal Branding, doit-il être une Love Brand ?
2001, premier événement en France sur le Marketing de la formation. Le marketing était relationnel, c’était la première pierre de ce qu’on pourrait appeler avec anachronisme la Love Brand, créer une marque avec une identité propre et pour faire vivre une promesse pour les apprenants. Qu’est-ce que la formation promet aux apprenants ? Quelle confiance peut-on donner à la parole « d’en haut » dans une société en défiance ? C’est tout le travail de fidélisation de l’apprenant, la confiance dans le temps pour s’assurer de son engagement, de sa motivation, de sa fierté. La Love Brand, donner l’envie pour répondre à l’envie d’avoir envie. Oliviero Toscani disait que le marketing, c’est « mettre en société », la Love Brand doit suivre les apprenants pour comprendre ce qu’ils désirent, la formation doit être désirable. Désir, étymologiquement, attendre l’astre qui n’est pas encore là… La formation comme lumière dans les ténèbres.
2, La Love Brand doit être inbound marketing
Comme son nom l’indique, l’inbound marketing, donner envie aux apprenants de rentrer dans l’univers de formation de l’entreprise avec un accent particulier pour les early adopters. Comment érotiser la formation pour des apprenants ? Socrate avait déjà en son temps noté ce paradoxe, si l’apprenant sait ce qu’il cherche, il n’a pas besoin de la formation puisqu’il sait déjà, et s’il ne sait pas, pourquoi cherche quand il ne sait pas ce qu’il doit chercher… C’est tout le travail de la promesse de formation qui répond à un besoin identifié ou non par l’apprenant, la réclame, « cette formation va vous faire gagner 30 % de temps par jour » ou la publicité, « faites de votre métier une aventure à vivre ». Redonner le pouvoir à l’apprenant nécessite d’en faire un décideur, il faut donc le convaincre avec de la raison et de l’émotion. Donner du sens à la formation, mais du sens pour l’apprenant.
Comment faire ? Connaître les apprenants. La formation du 20ème siècle est une formation en blind test, on connaît les savoirs, mais pas les apprenants. Le 21ème siècle sera celui de l’apprenant, il est donc nécessaire de construire une politique de big data pour connaître les apprenants dans leurs usages individuels et collectifs. Cela permet de répondre à leur attentes, mais aussi de les surprendre face à ce qu’il n’attendait pas et qu’ils adopteront avec d’autant plus de motivation que la surprise a été réussite, répondre à une demande non exprimée et pourtant réelle. La nouveauté est que le premier indicateur de la Love Brand est le LSAT (Learner Satisfaction). Aujourd’hui, la satisfaction est souvent infantilisée, « l’apprenant est-il content ou non ». Il s’agit de le faire parler de ses facteurs de (in)satisfaction, mais aussi de ses facteurs d’efficacité pédagogique et en situation de travail.
Encore faut-il construire une politique de l’écoute et une véritable veille de l’apprenant. Le travail d’organisation dépend de la culture de chaque entreprise, mais l’idée est de construire des outils de pilotage de la transformation de la qualification des entreprises. Il est possible de créer un « Service de réclamation apprenants », pour réduire les insatisfactions ; mais aussi pour être positif, un « Club des apprenants » qui assure des analyses qualitatives de la formation, avec ou non une politique d’idéation et d’innovation pour la formation ; un « Réseau d’ambassadeurs de la formation » qui va développer une veille push/pull transversale. Tout est bon, à la double condition de fixer des objectifs de performance quantifiés et de demander aux apprenants si cette innovation leur semble une bonne pratique dans leur réalité. L’apprenant comme étalon de valeur.
3, La Love Brand doit s’inscrire dans la fidélisation
Parler de relation apprenante nécessite de penser la formation dans le temps. La fidélisation est étymologiquement la confiance dans le temps. Et comme le temps change les modalités de confiance, la fidélisation doit s’adapter et se réinventer au gré des moments. Coller la marque aux apprenants et le faire savoir. La confiance, c’est une promesse qui est réalisée. Il faut à la fois que l’apprenant entende la promesse et surtout aie des preuves de sa réalisation. Le chiffrage de la promesse est un atout majeur de la politique de transparence. Les outils de pilotage peuvent être combien de satisfait (LSAT), en social scoring, où chacun peut voir l’évaluation des autres et le fait d’atteindre ou non la promesse faite. Les indicateurs sont des courbes d’apprentissage dès qu’ils sont atteint on propose un autre indicateur comme par exemple, un taux d’engagement, un niveau de connaissance… et ainsi de suite. Le faire savoir aux apprenants montre à qui l’on rend des comptes. Responsable, étymologiquement, c’est rendre des comptes.
Faire vivre une marque nécessite de répondre à une attente sociologique qui n’est pas toujours exprimée dans les entreprises. Faire parler les adultes, les former aux feedbacks. Les apprenants veulent s’engager s’ils se sentent en confiance. C’est la politique du Learner Generated Content (LGC) partir des problématiques des apprenants, c’est une reconnaissance pédagogique, cela revient à dire que c’est eux qui connaissent les problématiques quotidiennes de leur métier. La formation n’est plus d’en haut, mais d’en bas avec moult modalités autour par exemple de la pairagogie. Cela renforce la notion d’apprendre seul ensemble et d’identité professionnelle, donner un sens à son travail. La pédagogie agile renforce la pratique de l’apprenant acteur de sa formation.
La politique de fidélisation nécessite d’être événementielle. Casser la routine pour surprendre, c’est ça « l’effet whaou ». Construire une communion apprenante. Stendhal parlait de « cristallisation » autour de la marque. Faire venir des guests qui font référence dans leur domaine, des personnalités inspirantes. Faire une learning expedition virtuelle de notre domaine dans des cultures différentes, les Québécois par exemple. Faire un challenge métier, où chacun pourra créer une pépite qui lui est propre. Mieux demander aux apprenants eux-mêmes de créer un événement, ils votent, et « le meilleur sera mis en œuvre ». Le problème de la surprise, c’est que cela ne fonctionne pas toujours. Comment savoir si la surprise est une réussite ? Il suffit de demander aux apprenants eux-mêmes. Le service de formation, traditionnellement le service des experts, devient le service des apprenants, pour toujours la même mission, mais pas de la même façon.
Faire du service formation une Love Brand, c’est changer de paradigme. Le service de formation, service de transmission des connaissances et des compétences, laisse la place à un service d’écoute de l’apprenant. Tout le travail aujourd’hui, c’est de mettre en place les jalons de cette écoute en temps réel pour comprendre les situations de chaque collaborateur et de pouvoir proposer un mixte de solution pour répondre au mieux à la résolution de la situation. C’est un nouvel ancien rêve, mettre en place une véritable politique de knowledge management. La nouveauté, c’est que là, elle part de l’apprenant lui-même. Et ça, c’est nouveau.
Fait à Paris, le 06 juin 2023
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