Le learnal branding, comme avenir de la formation

par | 11 janvier 2021 | Marketing, Responsable de formation

Chacune des fonctions de l’entreprise s’interroge sur sa raison d’être et sa plus-value dans la chaîne de valeur de l’entreprise. Certaines auront vocation à disparaître là où d’autres auront vocation à se réinventer. La formation, a-t-elle vocation à disparaître ? Quelle est la valeur perçue de la formation ? Quelle histoire la formation raconte ? Autant de questions qui prennent forment sur ce qu’on appelle le learnal branding, la formation comme une marque sociale. 

1, Pourquoi créer un learnal branding ? 

La question est intéressante surtout que le 20e siècle, l’Organisation Scientifique de la Formation (OSF), postulait la connaissance scientifique, là où le 21ème siècle avec l’infobésité propose le spectacle de la connaissance. La spécificité française est que nos corps intermédiaires, comme les OPCA, avaient une pratique qui refusait la différenciation afin d’homogénéiser les formations et permettre ainsi une gestion interbranche. Pas de marketing pour la formation. Quelle différence y a-t-il entre Cegos ou Demos ? Les deux à ayant à peu près le même positionnement, ils sont blancs bonnets et bonnets blancs. Pas de différenciation pour aider l’acheteur de formation. 

Où en est le marketing de la formation aujourd’hui ? Le marketing est product branding,  fondé sur les produits de formation. Et ce marketing est quasiment exclusivement de la réclame. Comme à la fin du 19ème siècle, il s’agit d’informer sur les spécificités du produit, sans beaucoup d’imagination.  Cette réclame est tellement aseptisée, que quels que soient les produits, on peut facilement les utiliser sans choquer pour leur concurrent. Comment le client ou l’apprenant peut-il faire pour choisir, s’ils sont tous pareils ? C’est là qu’intervient le lernal branding, si l’on ne peut pas marketer le produit, marketons la marque, un marketing de portefeuille produit. La marque se dote de valeurs, d’une identité qui différencie. Il s’agit de développer un marketing plus centré sur le sociétal, avec une histoire, un militantisme qui aide l’apprenant ou le responsable de formation dans leur ergonomie du choix. 

Reste une question de taille : quelles sont les valeurs portées par l’organisme de formation ou par le service formation de l’entreprise ? Il s’agit d’un travail d’écriture qui est oblige à se poser la question de la vision que l’on a de la formation. L’école 42, même si elle forme des codeurs, n’a pas du tout la même histoire, le même storytelling, que Simplon qui forme dans le même domaine. Selon la légende, Steve Jobs, alors âgé de 28, a convaincu le Président de Pepsico de rejoindre Apple, en 1983, en lui disant : “tu veux passer le reste de ta vie à vendre de l’eau sucrée ou tu veux changer le monde ?”. En quoi veut-on changer le monde ? Il s’agit de se positionner, c’est-à-dire de choisir une différenciation qui fasse sens. La réclame est remplacée par la publicité., c’est un changement majeur de la sociologie de la formation. 

2, Quelle est la promesse de la marque ? 

La marque est un outil pour aider les usagers à choisir. C’est au responsable de formation de définir la promesse de la formation, non pas tant pour les experts de l’expertise, mais pour les usagers. Sur quoi s’engage le responsable de formation ? Il faut un message simple et inspirant. Il s’agit de trouver les mots pour susciter une émotion qui pousse à l’action. Christian Salmon, après avoir été le père du storytelling en France, en 2007, propose l’ère du clash en 2019. Il s’agit d’avoir le courage de prendre des positions qui résonnent, c’est la seule façon de faire entendre le storytelling qui fait sens (https://affen.fr/pedagogie/comment-promouvoir-une-formation-les-secrets-de-christian-salmon/).  

En 1988, Nike lançait son fameux “Just do it” où la marque propose un passage à l’action, on parlerait de développement des compétences dans le monde de la formation. En 1997, Apple veut se différencier d’’IBM, “Think”, propose “Think different” et il en a fait sa marque. La stratégie permet de déterminer la promesse de la marque. Sinon, comment faire la différence entre les différentes promesses alors que les organismes de formation proposent des produits avec les mêmes formateurs, les mêmes experts ? Comment faire la différence ? Simon Sinek (Simon Sinek: Simon Sinek: Comment les grands leaders inspirent l’action) avait cette belle définition : “le client n’achète pas ce que vous faites, mais pourquoi vous le faites” et c’est là, qu’on reprend l’ancien définition de Théodore Levitt lorsqu’il parlait de “produit élargi”, aller au-delà du produit et de ses fonctionnalités pour rentrer dans ses valeurs. 

3, Comment faire vivre la marque ? 

Ecrire une promesse est une chose, encore faut-il tenir sa promesse pour ne pas faire de la survente. Comment incarner sa promesse ? C’est le travail de la ligne éditoriale, de la ligne iconographique… trouver un style, une rhétorique pour faire passer son message. Comment trouver le bon style ? Steve Jobs avait cette formule “vous ne pouvez pas demander aux clients ce qu’ils veulent et ensuite essayer de le leur donner. Au moment où vous l’aurez construit, ils voudront autre chose”. Alors la meilleure solution est de proposer un projet, de le marketer pour donner l’envie et d’analyser les réactions pour s’avoir si l’on a touché juste. Le marketing, c’est savoir donner envie… on est capable de le faire pour des yaourts, on pourrait y arriver pour des formations qui changent la vie des apprenants. 

Il existe de bonnes pratiques qui font qu’une marque soit efficace. Donald Norman en 1988 avec son livre “le design des objets au quotidien”, proposait d’introduire l’émotion pour créer le lien et l’attachement. C’est le père du concept de UX, User eXperience qui donne la Learnier eXperience en formation. Pour proposer une émotion, il s’agit d’analyser les comportements des apprenants avec des analyses qualitatives. Ce qui fonctionne bien, c’est de construire une proximité entre les usagers et la marque. On peut au sein de communauté apprenante leur proposer des pratiques d’engagement autour de la promesse de la marque… en leur demandant par exemple de répondre à sondages, en leur demandant de poser eux-mêmes des questions, en créant des challenges, voir en créant le fameux LGC, Learner Generated Content.  

Enfin, pour piloter une marque, il est important de créer des indicateurs avec la définition d’objectifs préalables. Une des spécificités de la formation, comparativement à d’autres domaines de l’entreprise, c’est de passer beaucoup de temps à définir la définition des choses, et à vouloir rationaliser la raison d’être de la formation avec des modèles de ROI qui frisent parfois la pathologie. Restons simple et modeste, trouvons des indicateurs approximatifs pour assurer une visibilité marginale. Si par exemple, on retient comme indicateur le LSAT, le Learner Satisfaction, il s’agit d’interroger la satisfaction de l’apprenant sur les formats, les idées, l’efficacité … et réajuster en fonction pour optimiser la promesse. Reste à se doter d’objectifs en amont de l’opération. Quel sera le taux d’efficacité perçue, le taux d’usabilité, le taux d’écoute, le taux de fidélisation, de notoriété, … ? 

Le learnal branding  est une autre façon de penser la formation, une fonction tournée vers les usagers. La formation se trouve dans la même situation que restauration lorsqu’elle passait du Guide Michelin, des experts qui évaluent les experts, à La fourcette (ou The folk depuis 2020), les usagers qui évaluent la restauration. La formation s’invente et se réinvente pour être au plus près du marché, en créant un lien durable dans la relation apprenante. La data est la clé de la fidélisation à la learnal branding. Reste à savoir comment le responsable de formation va devoir piloter la transformation du service formation… mais çà, c’est une autre histoire… 

Fait à Paris, le 11 janvier 2020

@StephaneDiebold

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