Le responsable de formation est mort… Vive le responsable des apprenants

par | 7 septembre 2020 | Marketing, Responsable de formation

Un métier ne demeure que tant qu’il présente une utilité sociale… finis les “réveilleurs” qui assuraient le réveil du matin, les “poinçonneurs” qui validaient les billets, ou autres “demoiselles du téléphone”. Aujourd’hui, a-t-on encore besoin des responsables de formation dans l’entreprise ? Avec le numérique, avec l’autonomisation des apprenants, le responsable de formation est-il en danger ? Va-t-il devoir muter ou disparaitre ? 

De quoi parle-t-on au juste ?

1, Responsable de formation… activité, métier ou profession ? 

Le responsable de formation, est-il une activité ? Dire qu’il s’agisse d’une activité, c’est réduire la fonction à un émiettement d’actions réalisées. Ces actions peuvent être faites par le détenteur de la fonction, mais aussi peuvent être réparties différemment au sein d’autres fonctions. Parler d’activité, c’est minoré la fonction. Dire qu’il s’agisse d’un métier, c’est reconnaître qu’il s’agit bien d’une série d’activités, mais avec un plus, la notion identité. Une identité, c’est une reconnaissance sociale qui fait que tous ceux de la fonction se reconnaissent malgré les divergences des activités spécifiques. Identité, ce qui est identique. La profession est un métier opposable, opposable à l’autorité de l’entreprise. C’est un métier protégé comme les commissaires au compte ou les experts-comptables. Choisir une définition ou une autre, n’est pas neutre dans la place que l’entreprise donne à la fonction. 

Le métier contemporain du responsable de formation est né de l’Accord National Interprofessionnel du 9 juillet 1970 et de la loi qui a suivi le 16 juillet 1971, dites loi Delors. La formation professionnelle continue, comme on disait à l’époque, a fait entrer la formation dans le droit du travail, obligeant la fonction à organiser les nouveaux droits comme le fait de faire la formation hors temps de travail ou d’instaurer une obligation d’une contribution financière pour les entreprises de plus de 10 salariés. C’est une période de formalisation de la fonction, il s’agit de faire preuve que la loi a bel et bien été respectée. Le responsable de formation est devenu un administratif dans l’organisation et dans les circuits de financement particulièrement ceux qui ouvrent voie à des remboursements. Le responsable de formation était devenu un chasseur de primes. Ce qui reste aujourd’hui dans l’ADN de la fonction. Combien de responsables se sont jeté sur l’opportunité du FNE Formation d’abord pour des questions financières, le reste faisant suite ? 

Après l’administration, la financiarisation, la fonction a connu une évolution avec la massification de la formation. Cette massification a permis l’émergence d’une standardisation des contenus, encouragée en cela par les OPCA pour favoriser la mobilité interbranche des connaissances et des compétences. La notion même de standard favorise à son tour l’émergence des procédures qui répondent bien à la dimension administrative de la fonction. Ce n’est pas un hasard si les labels ou les normes de qualité privilégient une qualité procédurale, comme reliquat de l’Organisation Scientifique de la Formation. La formation perd son âme, mais gagne en traçabilité et en optimisation rationalisées. 

Si le 20ème siècle était le siècle de l’expert, le 21ème siècle est celui de l’apprenant. La formation fonction de l’offre devient petit à petit une formation fonction de la demande. Qu’est-ce que cela change pour le responsable ?  

2, Le responsable de formation devient un créatif de formation 

Sortir de la standardisation nécessite la créativité. L’expert-comptable de la formation qui devient créatif de formation n’appelle pas les mêmes compétences. Et cela change l’identité du métier, ce qui prend plus de temps. L’innovation devient un des poumons de la fonction avec 3 gros chantiers dans l’organisation de l’offre : les contenus, la pédagogie et l’animation. 

Tout le monde est d’accord pour dire qu’avec la numérisation de la société, les entreprises vont rentrer dans un nouveau monde… pour le meilleur et pour le pire. Qu’est-ce qu’il y a de nouveau dans les contenus pour les entreprises ? Pas grand-chose, non pas dans l’absolu, les neurosciences apportent chaque jour leur lot découverte, mais dans l’offre de produits de formation. Si l’on reprend le contenu métier, globalement, les changements concernent la montée en puissance du relationnel et de la cognition. Mais quand on parle relationnel, si l’on parle de communication non-violente, l’ouvrage de référence date de 1999, si l’on parle d’émotion ou d’intelligence émotionnelle, l’article de référence date de 1971, 50 ans et assez peu de produits nouveaux compte tenu du potentiel des contenus. On fait ce qu’on a l’habitude de faire. Les standards ont du mal à nous quitter. 

La première évolution majeure de la fonction est de devenir une fonction qui a besoin de faire de la veille pour innover. Cette veille peut être individuelle ou collective, comme avec l’émergence des learning lab et/ou des espaces associatifs comme l’AFFEN.  

Dans les années 70, la défiance était forte face aux contenus, nombreux était ceux qui voyait la formation comme “le bras armé du grand capital”. La création de standards validés par tous était d’abord un outil de régulation sociale. Et il n’y a pas si longtemps qu’un grand équipementier automobile français a arrêté de faire valider ses contenus de formation par les partenaires sociaux a priori. Cette période d’innovation et d’agilité est nécessaire jusqu’à ce que d’autres standards voient le jour. Tant de questions n’ont de réponses qu’en fonction du responsable de formation. Si l’on prend la pédagogie : quel grain, quel support, quel format, quelle interaction, … ? Et s’il s’agit de l’animation ; comment mobiliser des formateurs internes et/ou externe autour de la contagion émotionnelle, comment réinventer les formateurs ? Tant de questions qui sont renforcée par le numérique qui pose plus de questions qu’il n’apporte de réponse. 

Le responsable de formation propose un nouvel écosystème apprenant qui répondent aux nouvelles attentes des apprenants… encore faut-il connaître ses attentes ? 

3, le responsable de formation devient un data scientist 

C’est le marketing de la formation ou l’érotisation de la formation comme nous l’avons proposé (https://affen.fr/pedagogie/pourquoi-erotiser-la-formation/). C’est la deuxième évolution majeure de la fonction, rendre désirable la formation nécessaire au développement stratégique de l’entreprise. Aujourd’hui, on ne connaît pas les apprenants, or, c’est essentiel pour marketer une formation. Marketer, assurer la relation entre les besoins de l’entreprise et la motivation des apprenants. Le célèbre pédagogue, Célestin Freinet avait ce joli mot, “donner soif” à l’apprenant. Et c’est le rôle du responsable de formation de motiver l’apprenant, on le fait bien pour des yaourts, ce serait le bout du monde de ne pas y arriver pour accompagner des collaborateurs… 

Comme dans le retail, le marketing a commencé par la réclame… on change les mots pour motiver les usagers. C’est toute la stratégie des éléments de langage. Quelle est la promesse faites aux apprenants ? Promesse ambitieuse, opérationnelle ? On entend des promesses de l’offre : “apprendre en moins de temps avec le microlearning”, “plus interactive avec le social learning”, “moins chère avec les gratuiciels”, … l’inflation des promesses est favorisée par le numérique. Mais qu’en pense les apprenants ? Veulent-ils vraiment apprendre en moins de temps ? Au tant les questionner, on peut être surpris parfois de leur réaction. Autrement dit, quand on ne connaît pas les apprenants, on fait des formations en blind test… des fois ça marche… 

Il faut connaître les apprenants. 

Mais attention, il ne s’agit pas tant de les questionner en espérant qu’ils en sauront plus que ceux qui les interrogent. Steve Jobs avait cette belle citation : “Vous ne pouvez pas demander aux gens ce que va être la prochaine grande révolution. Henry Ford a dit un jour : Si j’avais demandé à mes clients ce qu’ils voulaient, ils m’auraient répondu : un cheval plus rapide.” Le responsable de formation doit avoir le courage de surprendre l’apprenant et de piloter l’effet whaou avec des indicateurs de suivi, comme nous l’avons développé ailleurs (https://affen.fr/organisation/formation-comment-evaluer-une-learner-experience/). L’évaluation ne doit plus seulement être LSAT (Learner SATisfaction) en fin de parcours, mais par exemple tout au long du parcours si vous utilisez des outils comme Klaxoon ou Beekast. Nous en sommes au début des outils, tout est en expérimentation.  

Alors, quelle nouvelle industrialisation voulons-nous construire ? Certains parlent d’adaptive learning pour personnaliser les parcours. D’autres le social learning avec le LGC (Learner Generated Content). Chez Saur, par exemple, les apprenants crée eux-mêmes les vidéos sur leur métier. Quel que soit la démarche, elle doit être pensée non plus en termes de distribution de produit de formation en fonction des besoins, mais en terme relationnel, crée une relation de confiance et de collaboration autour de l’apprendre ensemble et de savoir émailler la relation par des Learner eXperiences. Le Big Data devrait améliorer la qualité relationnelle. Autrement dit, le responsable de formation est un acteur du corporate branding de l’entreprise. 

Le responsable de formation se réinvente et se réinventera encore pour permettre à l’entreprise de se trans-former au gré de ses besoins. Avec une question majeure, où veut-on aller ? Où veut-on aller dans un monde en disruption ? La question nécessite une vision et le courage de choisir une direction au détriment d’une autre… sans garanti a priori de réussite. Autrement dit, plus que jamais l’avenir du responsable de formation est de devenir un directeur de la formation, celui qui prendra le risque de la direction.  

‎Fait à Paris, dans sa version originale le 03 ‎septembre ‎2018, dernière modification le 03 septembre 2020. 

@StephaneDiebold 

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