Les HPI sont à la mode quand on regarde le nombre d’ouvrages qui traitent de ce sujet : les surdoués, les zèbres font recette. S’agit-il d’un simple phénomène de mode ou d’un phénomène qu’il faut inscrire dans le temps ? Qu’est-ce que l’entreprise peut bien faire des hauts potentiels intellectuels ? Les HPI, sont-ils véritablement des facteurs intéressants pour la performance de l’entreprise ?
1, Qu’est-ce qu’un HPI ?
Le « i » de HPI est aussi lié à l’intelligence. Qu’est-ce que l’intelligence ? Pour les scientifiques, il s’agit de la capacité de l’homme à s’adapter à son environnement. Est intelligent celui qui est agile, qui est flexible aux évolutions de l’environnement. Le HPI repose sur le calcul du QI, quotient intellectuel, qui a été inventé par le pédagogue français Alfred Binet, en 1905, mais il a du son succès aux Etats-Unis qui l’ont développé aussi bien dans les écoles que dans l’évaluation des adultes en l’enrichissant pour quantifier le facteur G, l’intelligence générale. Le QI mesure la capacité de compréhension et de raisonnement générales. C’est un outil statistique qui suit une loi de gauss centrée réduite sur la moyenne qui est de 1OO. Un HPI est un indice purement statistique, c’est un test du QI qui est égal ou supérieur à 130 (les très hauts potentiels dépassent 145). Cela concerne 2,3 % de la population française. Le HPI est une personne rare au sens statistique, mais pas au sens neurologique.
Il existe bien des façons de classer l’intelligence, l’intelligence fluide et l’intelligence cristallisée sont intéressantes. L’intelligence fluide est le traitement de l’information en général avec la capacité à penser logiquement et de résoudre des problèmes dans des situations nouvelles, indépendante des connaissances acquises. Là où l’intelligence cristallisée est la capacité à utiliser les compétences, es les connaissances et l’expérience. Si l’intelligence fluide diminue à partir de 20 ans, la mémoire cristallisée est relativement stable tout au long de la vie, sous réserve de maladies dégénératives et intéresse particulièrement les adultes.
Le HPI par construction lié à la performance. Les neurosciences ont montré récemment, on peut citer particulièrement les travaux de Christoph Fraenz de l’Université de Bochum (Allemagne, 2021), que les HPI sont lié à la notion de puissance, un HPI raisonne plus vite qu’un homme moyen. Il pense plus et plus vite, ce qui lui permet dans des situations nouvelles de donner des propositions plus vite et plus variées. Le HPI fonctionne comme un être moyen, mais statistiquement plus productif. Ce qui ouvre à une remarque : la puissance n’est pas forcément l’efficacité. Penser vite ne présage en rien un penser bien. On peut se rappeler que les anciens faisaient de la patience, le « Hâte-toi lentement » de l’Empereur Auguste.
2, Les HPI, sont-ils trop intelligents ?
Un HPI est une potentialité, une capacité à être intelligent. Etre capable ne veut pas dire forcément être intelligent. La capacité est une présomption, mais il existe bien d’autres déterminants qui influencent le passage à l’acte, des déterminants peuvent être lié à la personne ou à l’environnement. Un haut potentiel brimé par sa ligne hiérarchique aura tendance au service minimum, même s’il peut faire beaucoup mieux. Le potentiel se confronte à la politique du développement des talents de l’entreprise.
Le haut potentiel intellectuel est une construction conceptuelle fondée sur le QI. Le QI est né au 20ème siècle avec une conception daté de l’intellect. C’est la raison qui fonde l’intelligence avec tous les dévoiements que le siècle à connu. Le 21ème siècle est le siècle de l’émotion. L’intelligence est émotionnelle. C’est la raison pour laquelle le HPI a vu naître un nouveau concept le HPE, haut potentiel émotionnel avec des notions comme l’hypersensibilité émotionnelle, l’empathie, facultés relationnelles,… Elaine Aron a montré à la fin du siècle dernier que le traitement de l’information par les hypersensibles est particulièrement adaptée à une entreprise qui s’érotise pour mobiliser l’ensemble de ses collaborateurs. A condition de pourvoir les identifier. Le HPI est pas le summum, au mieux, il serait un summum. On peut noter qu’à ce jour la relation entre HPI et HPE n’est en rien corrélé dans un sens comme dans l’autre.
L’intelligence est une notion datée. On pourrait alors s’interroger sur le choix de l’indicateur : la raison contre l’émotion. Mais on pourrait aller plus loin. Howard Gardner parle de 9 formes différentes d’intelligence, alors faut-il faire 9 profils de hauts potentiels ? Pourquoi pas. C’est toute la difficulté des indicateurs, plus ils se complexifient plus ils sont proches de la réalité, mais moins ils gagnent en opérationnalité. En entreprise, cherche-t-on un indicateur de pilotage qui soit une usine à gaz où un indicateur qui assure le pilotage de la politique quel qu’elle soit ? On a l’indicateur qu’on mérite.
3, Comment socialiser les HPI ?
Quelles que soient les classifications, comme le disait Michel Houellebecq : « La carte n’est pas le territoire » et qu’un thermomètre ne fait pas le malade. Autrement dit, les indicateurs sont toujours des approximations plus ou moins correctes d’une réalité. Ils sont surtout au service d’un projet. Les HPI reposent sur des indicateurs individuels. Vaut-il mieux des individus particulièrement brillants ou des individus particulièrement collectifs ? Seule l’existence d’un projet préalable influence la réponse. Il ne s’agit pas de tout vouloir en général, mais de tout vouloir dans le projet que l’on ambitionne.
Enfin, on suppose que le HPI est une donnée exogène à l’entreprise. Il s’agit de recruter des HPI. Or, rien n’est moins sûr. Les psychologues, Robert Rosenthal et Leonore Jacobson (1968) ont mené une expérience intéressante. Ils ont effectué des tests de QI en début d’année auprès d’élèves d’une école de quartier. Ils ont choisi de façon aléatoire 20 % des membres de la classe et ont annoncé qu’ils étaient les meilleurs au test. A la fin de l’année, ils ont refait les tests à l’ensemble de la classe, les 20 % choisit aléatoirement au augmenté leur performance de 5 à 25 points. Autrement dit, si l’on prend des élèves normaux (100 de QI) le social peut en faire des HPI. Dit encore différemment s’il existe bien une dimension innée, mais l’acquis joue aussi un rôle dans la détermination du HPI.
Jane Elliott a reproduit l’expérience avec l’expérience des yeux bleus. Une maîtresse qui annonçait à ses élèves que les garçons aux yeux bleus (ce que personnellement, je trouve assez légitime) sont plus intelligents que les garçons aux yeux marron. Lors des dictées qui suivirent les yeux bleus faisaient moins de fautes que les yeux marron. C’est l’effet pygmalion. Comme on regarde les personnes, elles deviennent. Si l’on voit de l’intelligence chez les personnes, on développe ainsi leur intelligence. Il ne s’agit pas tant d’invoquer l’intelligence que de la construire. Le talent est dans l’œil de celui qui regarde, particulièrement lorsqu’il est en situation d’autorité. L’entreprise forme aux talents qu’elle désire. C’est tout le travail de la formation.
Que dire en conclusion ? Les HPI illustre bien de désir de l’homme de se distinguer. Comme l’a montré le sociologue Pierre Bourdieu, cette volonté sociale de se distinguer des autres, est surtout une volonté de distinguer les autres, construire une hiérarchisation sociale. Cela n’est pas sans interroger les catégorisations, nombreuses voix rejettent cette démarche pour dire que chacun a sa singularité, et que la hiérarchisation est une stigmatisation. Sans trancher dans ces questions philosophiques, l’entreprise doit penser une définition de l’homme à travers ou non de son intelligence pour construire une éthique qui permet à chacun de trouver sa place dans la socialisation qu’est l’entreprise.
Fait à Paris le 20 septembre 2022
@StephaneDiebold