Le e-learning fête ses 40 ans… Happy birthday E-learning ! Il est devenu un phénomène social en… 1981. Et Victor Hugo disait que “40 ans, c’est la vieillesse de la jeunesse”, voilà un mouvement jeune qui vieillit, bientôt la maturité. Et pourtant dès qu’on interroge les apprenants, systématiquement, il y a rejet, surtout si on le compare au présentiel. 40 ans sans être encore aimé, cela a-t-il une raison d’être ? Et surtout comment préparer ce que Victor Hugo appelait “la jeunesse de la vieillesse”, les 50 ans ?
1, 1981, l’année du e-learning
Pourquoi 1981 ? C’est l’année du lancement du Personal Computer, le fameux PC d’IBM. Il a permis aux catégories socioprofessionnelles supérieures, et surtout aux entreprises, d’être les early adopters de cette nouvelle pratique. Dans le même mouvement, Apple lance le Macintosh en 1984. Le e-learning trouvait ainsi un socle technique. C’est le début de l’homme seul face à la machine. Bien évidemment, on aurait pu choisir comme lancement 1964 avec Olivetti qui avait déjà lancé le premier ordinateur individuel, mais la massification n’avait pas eu lieu.
Le e-learning est né de la démocratisation des machines individuelles. Les supports techniques étaient principalement sous forme de disquettes souples ou rigides, même s’il existait déjà une interconnexion entre les ordinateurs. Arpanet, a été lancé en 1966 et le premier email a été lancé en 1971, mais il n’y a pas eu de massification de l’enseignement numérique en email ou en forum, alors que la France possédait une infrastructure distancielle forte avec le CNED, qui existait depuis 1939. D’ailleurs, dans le début des années 80, il existait le Minitel, plus de 10 ans avant la naissance du web. Autant de support qui ne se sont pas mis au service de la formation numérique. La formation fonction de l’offre n’a pas su massivement s’engager dans sa numérisation avant 1981.
La première vague du e-learning est celle de la pédagogie individualisante de la formation, le fameux One to One, l’homme seul face à la machine, avec dans un premier temps, la transmission de contenus standardisés, chacun peut apprendre seul, et dans un deuxième temps, l’adaptation des formations en fonction des données que l’on collecte sur les apprenants, ce que l’on appelle l’adaptive learning.
2, 2007, l’année du mobile learning… et pas que
Pourquoi 2007 ? Pour deux raisons. Premièrement, c’est l’année du lancement de l’IPhone en 2G, après le grand retour de Steve Jobs à la tête d’Apple et sa stratégie de mobilité (IPod, IPhone, IPad). La formation se libère des lieux… on peut recevoir de la formation où que l’on se trouve. C’est une nouvelle liberté apprenante. Quant aux contenus, ils sont un copier/coller des contenus filaires. Deuxièmement, c’est l’année de la massification de la technologie du streaming. D’ailleurs, c’est la raison pour laquelle, Netflix a lancé sa nouvelle offre de produits à ce moment-là. Le streaming issu d’une technologie des années 90, le premier direct a été lancé en 1994, s’invite dans la formation. Webex est fondé en 1996.
La technologie n’est pas neutre, mais elle est un support indispensable à la formation. Reste à trouver les usages pour la pédagogie. Marshall McLuhan, sociologue canadien, avait cette belle formule “le media est le message”, la pédagogie s’adapte au média qui nous est proposé, encore faut-il penser les usages propres à chaque média.
Le modèle dominant de l’époque, restait le modèle Top down issu de l’OSF, où l’expert est celui qui fait la formation. Il s’agit d’un One to One, mobile friendly. Le monde du 20ème siècle n’arrivait pas à produire une autre posture face au savoir. Même si le One to Many, les visioconférences, ont fait leur apparition, la massification n’a pas eux lieux. Et surtout, les pédagogues laissent toujours la place aux sachants qui savent et non aux apprenants qui apprennent.
3, 2020, l’année des classes virtuelles… et pas que
Pourquoi 2020 ? L’arrêt publié par le gouvernement, le 16 mars 2020 a marqué l’interdiction de la formation présentielle et l’émergence de la “Zoom attitude”. C’est la massification du jour au lendemain du One to Few. Là encore, c’est la culture qui pilote la technologie. La classe présentielle trouvait un débouché naturel avec la classe virtuelle, même format, même posture. L’Organisation Scientifique de la Formation est liquide… elle se coule dans les technologies qu’on lui propose en fonction des impératifs de la situation. Que ce soit le One to One, le One to Many ou le One to Few… la formation n’a pas tant appris que cela des médias. Et pourtant…
2020 est un printemps numérique pour la formation. La pédagogie se réinvente dans les interstices du changement… les visioconférences deviennent des “lives”, elles empruntent de plus en plus les codes des lives pour rendre plus vivante la transmission des connaissances. Grâce aux sous-groupes, les pédagogies réinventent des chemins : on assiste à des Word café numérique, des tables apprenantes numériques, des sondages, des wording,… et même des guests, on invite des personnalités du métier, du monde entier pour partager une expérience formative. Et que dire des classes virtuelles qui enregistrent, matériaux pour un écosystème apprenant scalable ? Tout devient possible quand la pédagogie accepte la renaissance. Le mouvement pédagogique a commencé… redonner la main aux apprenants. C’est une nouvelle posture.
Elle prend différentes formes, la plus commune est celle des communautés apprenantes, le Peer to Peer. Les premières communautés se sont introduite comme des Services Après-Vente de la formation : “on vous accompagne jusque dans votre réussite”, mais l’outil va bien au-delà comme le montre les usages des réseaux sociaux. Il s’agit d’un nouveau média, dont il va falloir construire un nouveau message pédagogique : stories, micro-learning, challenge, engagement, Learner Generated Content (LGC), … une nouvelle culture de l’animation. A la question “faut-il faire des formations sur Tik Tok ?” la réponse est forcément oui pour qui pense le printemps numérique de la formation. Non pas tant, que l’outil soit indépassable, mais que l’usage doit être observé et pratiquer pour comprendre ce nouveau langage qui assurément est le début d’un changement majeur… #TousSurTikTok pour socialiser nos pratiques.
Alors pourquoi les apprenants n’aiment pas le e-learning peut commencer à trouver sa réponse, parce que le e-learning n’aime pas les apprenants, il aime les savoirs. La disruption dans la formation viendra dans la première moitié du 21ème siècle d’un nouveau rapport à l’apprenant… ce que certains synthétisent par l’aphorisme “remettre l’apprenant au centre de la formation” ou d’autres marketer la formation, susciter l’envie d’apprendre, la séduction pour intégrer l’apprenant dans le projet formatif de l’entreprise, le fameux learnal branding. Tant que le e-learning n’acceptera pas de devenir une fonction de la demande, rien n’y fera…
Fait à Paris, le 01 février 2021
@StephaneDiebold