Le 30 septembre était la Journée Internationale du Podcast, c’est l’occasion de faire un point sur la place du podcast dans l’écosystème de la formation. FORMA Radio, la radio des professionnels de la formation, a été lancée par l’AFFEN en 2018 et est aujourd’hui la première productrice de podcasts sur les métiers de la formation professionnelle avec plus de 200 émissions enregistrées. L’outil est là, mais quel sera son avenir dans le monde de la formation ? S’agit-il d’une mode ou d’un phénomène plus profond ? Les créateurs de formation, doivent-il investir dans le podcast ?
1, Quelle est la situation ?
Le terme de “podcast” est né d’un journaliste tech par une contraction de l’iPod et de broadcast (émission de radio), il est l’illustration de la politique menée par Steve Job, lors de son retour à la tête d’Apple, qu’il place sous le signe de la mobilité. En 2001, il révolutionna le marché du walkman avec l’iPod et le format MP3, et surtout iTunes qui permettra la naissance iTunes store, l’hypermarché des podcasts tout particulièrement depuis la naissance de l’iPhone en 2007. C’est tout un écosystème audio qui s’est démocratisé. Chacun peut produire assez facilement un podcast et automatiquement le diffuser, il n’existe plus de frein technologique. Où en est-on aujourd’hui, en termes de production de podcasts ? 885 262 podcasts nouveaux dans le monde, selon Chartable, en 2020, soit un triplement par rapport à 2019 et 17 fois plus si l’on compare avec 2015. Le podcast a le vent en poupe. C’est à la mode.
Et selon Médiamétrie, en 2021, les deux tiers des podcasts produits, le sont grâce aux émissions de radio traditionnelle, les podcasts ne sont que les replays de ces radios, une autre façon de les consommer. Finalement, le podcast n’est que l’expression d’un média ancien, rien de nouveau ? Ce n’est pas si évident, si l’on regarde les chiffres en dynamique, on s’aperçoit d’un phénomène plus nuancé. Les podcasts radio canal historique progresse en 2019 de 9 %, mais les podcasts natifs (le tiers restant) progressent de 48 %, autrement dit la dynamique des podcasts est celle des natifs. Le podcasting pour lui-même a sa propre dynamique. Le phénomène se massifie et se démocratise.
Si l’on regarde, maintenant, du côté des usages avec les enquêtes du Paris Podcast Festival (qui aura lieu du 14 au 17 octobre 2021 à la Gaîté Lyrique) l’âge moyen des auditeurs est de 35 ans et plutôt des CSP+, autrement dit une cible de gros consommateurs de formation. Et les consommateurs le font sur des plateformes Apple podcast, Google podcast ou Spotify. Le podcasting s’est imposé dans les usages, car il permet le multitâche, on écoute d’une oreille en faisant autre chose, et si le moment nous interpelle, on revient en arrière. Le podcast n’est pas trop intrusif dans son usage.
2, Pourquoi investir dans les podcasts ?
Le podcast s’inscrit dans la culture de la formation. C’est particulièrement bien adapté pour les enseignements. Enseigner, donner du sens aux signes… la tradition universitaire issues des chaires cléricales est de diffuser la “bonne parole”, c’est souvent un contenu qui est dispensé par un sachant. C’est la posture du One to few qui permet l’industrialisation des savoirs. Le podcast est un outil pratique, car il permet d’écouter et de réécouter à vau-l’eau le contenu, et la répétition est souvent un outil au service de ma compréhension et de la mémorisation. Bien évidemment, le podcast gagnera en efficacité, si le formateur pratique la rhétorique, comme en présentiel, la transmission est une pratique qui a ses règles. Le formateur aura intérêt à ciseler ses mots, ses punchlines, mais aussi son rythme et son débit de parole pour trouver son impact d’animation.
Si l’on reprend l’idée du multitâche, le podcast est utilisé pendant le fait de faire d’autres activités qu’elles soient professionnelles ou non, nombre d’apprenants utilise le podcast en courant, en faisant le ménage, dans les transports… Cela rend plus important le travail de l’animateur pour être rhéteur, pour mettre le projecteur audio sur ce qui est important pour l’apprenant. La voix est le stabilo du contenu, en variant sa contagion émotionnelle, savoir donner de la saveur au savoir dans le temps de cerveau disponible. Ce vagabondage attentionnel est intéressant, car il favorise la réflexion de l’apprenant. Une image mobilise une forte capacité attentionnelle, là où une voix permet la distanciation et donc l’appropriation critique. Le podcast est un outil idéal pour la connaissance. Et comme c’est l’apprenant qui choisit son temps pour écouter ou réécouter un contenu, cela lui permet d’être maître des horloges de son apprentissage. Tout le charme de l’asynchrone.
Le podcast est un outil culturel ou un outil au service d’une culture formative. Si la formation est sacralisée, le podcast en sera de même. On peut faire venir par exemple des acteurs en studio pour profiter de la qualité audio maximal. Outre le budget, cela éloigne l’apprenant du savoir et du sachant, mais cela starifie les experts. On a le podcast que l’on mérite. Veut-on fêter les sachants ou les apprenants ? Aujourd’hui, la doxa dominante est de remettre l’apprenant au centre de la formation, l’apprenant-roi, cela nécessite d’avoir des podcasts de proximité, un peu “sale” qui facilitent l’appropriation. C’est tout l’enjeu du streetcast, enregistrer dans les conditions de vie réelles. Certains enregistrent dans leur voiture, en marchant, … pour désacraliser la transmission et favoriser une proximité, un apprentissage de pair à pair assure une efficacité accrue et une fidélisation dans l’action d’apprendre.
3, Qu’est-ce qui manque au podcast apprenant ?
Le plus gros problème du podcast apprenant est l’interactivité. C’est toute la différence entre le 1.0 et le 2.0, les sachants préfèrent le 1.0, ils déroulent un corpus et une cohérence, et, les apprenants préfèrent le 2.0 jusqu’au fameux Learner Generated Content (LGC) où c’est l’apprenant qui produit le contenu. Le 21ème siècle étant le siècle des apprenants, il semblerait que l’absence d’interactivité pose un véritable problème. C’est la raison pour laquelle le podcast a besoin d’être intégré dans un écosystème pour créer cette dimension. On peut par exemple créer une communauté apprenante pour favoriser le débat en amont et/ou en aval du podcast ou de favoriser alternativement de l’asynchrone et du synchrone avec une classe virtuelle pour en parler.
Aujourd’hui, il existe une solution d’une start-up française qui répond à ce besoin, Tumult (https://tumult-podcast.fr/). Avec Tumult, si l’on suit leur base line, le podcast devient social en créant une tchatroom propre pour chaque podcast. L’interaction est intégrée. Reste un problème majeur lié à l’asynchrone. Chacun écoute quand il veut le podacast et l’interactivité est différée selon les apprenants. Cela peut poser des problèmes comme par exemple spolier les situations. Un commentaire qui discute de la solution permettrait à tous de connaître la réponse avant la question, c’est le teasing apprenant qui pose problème. Et bien, Tumult propose une solution : éditer les commentaires au fur et à mesure du déroulé du podcast, à 12 minutes d’écoute, j’aurais les commentaires des tous ceux qui en ont fait jusqu’à 12 minutes, même si cela a été fait, il y a 3 semaines. On recrée du synchrone avec de l’asynchrone, deux en un.
D’autres outils existent, comme les rooms, qui sont par construction synchrone. Clubhouse avait relancé cette fonctionnalité en 2020 avec un succès extraordinaire, à tel point de tous les grands se proposent d’investir dans la room, comme par exemple, Twitter avec Spaces ou Spotify avec les Green rooms. Apple, Facebook, Microsoft ont déjà fait des annonces dans ce sens. La room privée audio est par définition un espace d’interactivité, qui selon les premières expériences ouvre de nouvelles pratiques. Sous réserve de l’animation qui créer un univers particulier, l’absence de film présente un atout. En effet, c’est ce que l’on retrouve dans un Zoom ou Teams sans vidéo, la grosse différence teint à la facilité de prendre la parole. L’audio est plus comme une conversation de proximité, ce que l’on retrouve moins avec la vidéo qui positionne l’expert dans son expertise et met l’apprenant en distance. L’audio a une dimension sociale spécifique.
Comment conclure ? Certaines personnes critiquent le podcast qui ne serait qu’au mieux un outil d’information et non pas de formation, c’est oublier un peu vite que formation et information ont une racine commune, la forme sociale du savoir ; et que la différence ne tient pas à sa nature, mais à son usage. La formation, comme l’information, sont des constructions de connaissances et de compétences. La formation a une spécificité propre, c’est de définir en amont les objectifs pédagogiques qu’elle se propose d’atteindre. Autrement dit, les usages d’information du podcast nourrissent les usages formatifs du podcast. Et au fond, un outil reste un outil, transmettre réinterroge surtout de la qualité du contenu à transmettre, mais ça, c’est un autre débat…
Fait à Paris, le 05 octobre 2021
@StephaneDiebold