Comme chaque année, les premiers jours sont l’occasion de présenter ses bonnes résolutions pour l’année à venir. Nous ne faillirons pas à la tradition pour vous donner matière à réfléchir sur des points de vigilance. 10 tendances qui sont organisées de façon non-hiérarchique. Il s’agit de signaux plus ou moins faibles qui permettent de penser l’avenir du e-learning. Le e-learning a plus 40 ans d’expériences, quelles sont les nouvelles tendances pour 2023 ?
1, Les podcasts apprenants
Le podcast apprenant a émergé en entreprise en 2021 (soit seulement 1 an après l’électrochoc de ClubHouse en avril 2020). Il a révolutionné les usages de l’audio dans le mixte pédagogique. La formation a redécouvert l’intérêt de l’audio. C’est un outil idéal pour acquérir une connaissance ou pour toute politique d’acculturation nouvelle. L’audio, non distrait par l’image de la vidéo, permet une meilleure mémorisation des contenus.
Les podcasts apprenants sont créatifs : certains proposent du micropodcasting pour favoriser l’engagement des apprenants ; d’autres des Spaces (Twitter) pour avoir des lives audio interactifs ; d’autres enfin des streetcasts, à l’arrache beaucoup plus facile d’accès. La place de l’audio doit être repensée dans un nouvel écosystème apprenant. L’AFFEN a lancé, en 2018, FORMA Radio, qui à l’origine était une école associative de podcasting pour l’ensemble de ses membres.
2, Les communautés apprenantes
Les communautés apprenantes sont la clé de voûte de l’apprendre ensemble asynchrone, même si certains l’utilisent de façon synchrone. Il s’agit pour l’animateur de créer un commun en protégeant la parole (ce qui favorise l’engagement) et en assurant une animation. C’est un apprentissage qui respecte le temps de l’apprenant, une liberté nouvelle, mais aussi un très bel outil post formation pour assurer un Service Après-Vente des formations.
La communauté apprenante a sa propre grammaire d’écriture pour favoriser l’engagement avec les outils comme les Reels ou les challenges. C’est un outil de démocratisation de la création de contenus, le fameux Learner Generated Content (LGC) qui permet à chacun d’être « content producer », encore faut-il construire une pédagogie de l’engagement. C’est une courbe d’apprentissage qui commence avec des petits engagements jusqu’à en faire de plus longs contenus.
3, Le snack content
Le snack content est parfois appelé nugget learning, c’est une notion qui explique bien le concept, elle signifie à la fois “pépites” et “croquette”. Elle fait référence aux fast-foods, des pépites facilement digérables., un fast-training. L’ordonnancement des grains de formation, nécessite de réécrire ces contenus avec une nouvelle grammaire, ciseler les mots et les idées pour aller à l’essentiel et éviter ainsi l’infobésité et/ou le burn out attentionnel.
La taille ne fait rien à l’affaire. Le snack content n’est pas à opposer au slow content. On voit dans les comportements apprenant une place importante faite au slow content. La consommation de podcast apprenant dont la durée moyenne est entre 20 minutes et 40 minutes est tout à fait compatible avec un apprentissage court à condition qu’il s’agisse bien d’une pépite avec un contenu attractif. Il existe une complémentarité pédagogique entre le snack et le slow content.
4, La scalabilité
Les contenus synchrones comme les classes virtuelles sont souvent construites comme des événements apprenant. Pour qu’ils soient réussis, il faut qu’il se passe quelque chose et répondent ainsi au fameux FOMO (Fear Of Missing Out, peur de manquer quelque chose). S’ils sont enregistrés, ils pourront faire l’objet d’une exploitation ultérieur comme le replay, des masters classe, des tutos ou encore des FAQ,… et d’assurer sa scalabilité, son déploiement ultérieur.
La scalabilité nécessite une politique pédagogique de recyclage des contenus. Il ne s’agit pas tant de stocker des rushs de vidéo, leur valeur pédagogique doit être définie préalablement pour savoir quoi en faire dans une relation asynchrone. La réussite de la scalabilité doit être évalué par l’engagement des apprenants. La boucle pédagogique permet de faire des allers-retours entre l’offre et la demande pour optimiser la relation.
5, La pairagogie
La pairagogie est née avec Howard Rheingold en 2011, une pédagogie de pair à pair, redonner la main aux apprenants. Elle s’inscrit dans l’émergence d’un nouveau paradigme « Les foules intelligentes » (Howard Rheingold, 2005) et « La sagesse des foules » (James Surowieski, 2005), remettre l’apprenant au centre de la formation, en faire un créateur de formation. Ce qui fait du 21ème siècle le siècle des apprenants.
Partir de l’apprenant, inverse la pyramide des savoirs, le bottom up. L’animateur organise l’émulation des apprenants avec une politique de Learner Generated Content pour les faire produire des grains de formation, storymakers. Cela nécessite une pédagogie agile qui permet de piloter les grains vers les objectifs prédéfinis. Cette pédagogie est opératoire, car elle part des préoccupations terrains, ce qui accroît son acceptation sociale.
6, L’intelligence artificielle
2022 est « l’année de l’IA » (The economist). Grâce à GPT 3 (OpenAI) un algorithme de deep learning qui génère plus de 175 milliards de paramètres en même temps, et qui est capable de construire des textes ex nihilo sans supervision, il suffit de lui demander. MidJourney et Dall-e, une autre version de GPT 3, propose de créer des images artistiques à la manière des plus grands. La création de contenu s’industrialise avec une qualité jamais égalée.
Les usages ne sont pas encore établis, mais les potentiels sont énormes. Produire à la demande permet de produire des contenus sur mesure en live. Et sur le même principe, rien n’interdit de penser que la même technologie puisse générer des podcasts, des vidéos à la demande. A terme, chaque apprenant pourrait construire ses propres formations, il lui suffit de s’entraîner à faire une demande à l’intelligence artificielle.
7, L’immersif apprenant
L’immersif est toujours dominé par Meta qui a proposé une belle avancée particulièrement avec les avatars et la possibilité de retransmettre via les casques Meta Quest Pro en direct les micro-signaux de chaque participant. L’avatar photoréaliste construit avec un simple smartphone change complètement la qualité de la relation. Un formateur peut garder sa capacité de contagion émotionnelle, voir même en deep fake gagner en autorité, charisme, sympathie,… par la machine.
On peut se rappeler que Mark Zuckerberg avait lancé Meta en 2021 et s’était donné 5 ans pour réussir son pari. Et que déjà son partenariat avec Microsoft ouvre des perspectives nouvelles. Et qu’il reste bien des améliorations possibles avec le retour haptique, l’impression olfactive, … Ce qui reste à construire, c’est un écosystème qui permette facilement de produire du contenu et d’avoir suffisamment d’apprenant pour en faire un modèle économique de masse.
8, L’IoT
L’IoT, Internet of Thinks, l’internet des objets en français, qui est l’ensemble des objets connectés à Internet hors des smartphones et des tablettes pour éviter que la place des devices couvre l’émergence de l’IoT plus modeste. La domotique représente la moitié du chiffre d’affaires et les wearable (montre, bracelet, lunette,) représente un tiers. La démocratisation des outils favorise l’émergence des usages.
En formation, cela permet de mettre l’apprenant au centre de l’Internet, et non plus face à la machine, c’est une toute nouvelle perspective. Les wearables permettent d’obtenir une somme d’information en continu, avec des perspectives nouvelles comme par exemple avec la détection des softskills et sa gouvernance par l’apprenant avec une politique de quantify-self, une nouvelle perspective pour le pilotage des apprentissages.
9, Le LSAT
Le Learner Satisfaction est un indicateur traditionnellement de la formation. L’obligation légale (article L6362-5 du code du travail) contraint les organismes de formation à fournir une fiche d’évaluation de la satisfaction des apprenants. La nouveauté est de pouvoir avoir un LSAT tout au long de la formation et un social scoring, autrement dit, vu par tous les autres participants. Le LSAT est un indicateur d’engagement de l’apprenant.
Le Big data assure un traitement massif des données et d’avoir une connaissance multifactorielle des apprenants. Ce travail permet de la prospective avec une nouvelle approche qui commence à se faire tester en entreprise. La machine nous connaît mieux que nous nous connaissons nous-même. Un test a été réalisé en entreprise sur l’entretien professionnel avec un taux de satisfaction qui dépassait les 90 %. Apprendre à satisfaire les apprenants avant qu’il n’y pense.
10, Les Open Badges
Les open badges, crées en 2011, sont une technologie issue des NFT. Il s’agit de certifications privées au sein duquel les émetteurs définissent le contenu du badge. Les Open Badges offrent une agilité face aux procédures complexes comme les diplômes ou les titres RNCP. Les Open Badges peuvent se capitaliser dans des passeports ou comme disent les québécois des « sacs à badges », ce qui permet de penser une relation certifiante.
Pour les métiers qui s’inventent ou se réinventent, il s’agit d’un marqueur social qui anticipe les changements. La certification privée est particulièrement intéressante suivant la nature et la qualité de l’émetteur. Même un particulier peut de construire un référentiel de connaissances et de compétences, utilisant les réseaux sociaux pour lui donner une visibilité et un impact pour sa propre employabilité, une révolution possible.
LE BONUS COUP DE CŒUR, La rhétorique numérique
C’est le grand retour des sophistes en formation, les professionnels de la transmission. Ce sont les techniques de contagion émotionnelle. Mathieu Ricard disait que « le message est le messager ». Le formateur devient un animateur numérique au sens étymologique, il doit apprendre à donner de la saveur au savoir sur les médias numériques.
Fait à Paris, le 10 janvier 2023
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