Comme chaque année, nous proposons une cartographie des tendances à surveiller dans l’EdTech. 10 tendances qui sont organisées de façon non-hiérarchique. Cette cartographie a pour vocation de permettre à chacun de pouvoir tracer son propre chemin pédagogique, construire son territoire apprenant. Le e-learning a plus 40 ans d’expériences, quelles sont les nouvelles tendances pour 2024 qui pourraient faire bouger les choses durablement ?
1, ChatGPT apprenant
ChatGPT est apparu pour le grand public en novembre 2022, avec en 2 mois plus de 100 millions d’utilisateurs. Du jamais vu. Les LLM (Large Langage Modeles) pour beaucoup sont une deep tech, une technologie de rupture comme le smartphone ou le web à leur époque. Le cabinet Gartner considère que d’ici à 2026, 80 % des entreprises vont utiliser ChatGPT, contre 5 % pour 2023. Un véritable agent conversationnel qui ouvre à une nouvelle collaboration homme-machine.
2 évolutions à surveiller. « L’alignement » du modèle, autrement dit la gestion des erreurs statistiques avec une contextualisation plus importante. Et le développement du multicanal avec l’image, la vidéo, le podcast et surtout l’interface de la voix pour les prompts. Un formateur seul peut générer tout un écosystème apprenant, mais aussi un apprenant peut apprendre avec ChatGPT. Une innovation majeure.
2, Les écosystèmes apprenants
En lien avec le point précédent, les écosystèmes apprenants proposent des supports nouveaux pour se former avec par exemple, la montée en puissance du podcast depuis 2021 dans le mix pédagogique. Marshall McLuhan l’avait dit « le message est le médium », chaque média a sa propre grammaire et sa spécificité. Reste à construire la cohérence de l’ensemble pour faire pédagogie.
John Sweller avait, dès les années 80, montré que le fait de décliner un message sur différents média renforçait tout à la fois l’impact et la mémorisation du message. La formation construit une pédagogie multicanale et crosscanal. Mais l’écosystème va plus loin avec la une montée en puissance de l’apprenant et des pratiques nouvelles comme apprenant first ou Learner Generated Content (LGC).
3, Les communautés apprenantes
Les communautés apprenantes sont la clé de voûte de l’apprendre ensemble asynchrone, chacun apprend à son rythme et garde le lien ensemble, une nouvelle liberté pour les apprenants. La communauté peut être dynamisée par l’introduction de moment synchrone qui permet d’enrichir le programme avec des événements ou tout simplement organiser des groupes de partages.
Le travail du Learner Community Manager est indispensable pour animer une communauté. Animer, étymologiquement donner de la vie, incarné la formation. Il est le maître du temps pour organiser le déroulé pédagogique et de veilleur à l’engagement de l’apprenant. L’engagement est au cœur de la fidélisation et la fidélisation est une innovation du 21ième siècle, incarner la relation apprenante.
4, Les pédagogies immersives
Meta a changé de nom depuis 2 ans pour montrer son engagement dans l’immersif, il s’est donné 5 ans pour changer le monde. La nouveauté viendra peut-être du Vision Pro d’Apple qui sortira cette année et qui se propose d’être un « ordinateur spatialisé »… un ordinateur dans le casque. Si la promesse est tenue, cela créerait un usage qui socialisera la technologie et ouvrira une chantier des pratiques formatives. Tout reste à faire.
L’immersivité est intéressante pour faire des formations hors normes comme la gestion de crise d’’une centrale nucléaire mais rien de disruptif. Les simulateurs existent depuis les années 80. La nouveauté viendra de la démocratisation de l’immersif dans le monde de la formation avec la création de contenus originaux massifs. On peut rappeler que le parc de casque en France est d’environ 1,5 millions pour une population active de 30 millions.
5, L’IoT ou l’internet des objets (Internet of Things)
Il existe plus de 15 milliards d’objets connectés dans le monde (pour une population de 8 milliards), les wearables ne prennent pas en compte les smartphones pour mètrent en lumière le phénomène de l’IoT. Il s’agit de capteurs comme les montres connectés, les bracelets, les circles,… Samsung par exemple lance en 2024 le Galaxy Ring une bague qui tracke la pression artérielle, la fréquence cardiaque, la température.
La e-santé fait son entrée en formation puisqu’elle permet à chaque apprenant d’avoir un système d’évaluation de ses propres indicateurs (quantify-self) comme par exemple le niveau de stress. Toutes les politiques de Qualité de Vie au Travail ou de soft skills trouvent avec le e-learning un levier pour définir des objectifs pédagogiques et surtout d’assurer le pilotage par l’apprenant. La France est très présente dans ce domaine.
6, L’automatisation des process
L’intelligence artificielle permet une automatisation des process de la formation. On savait qu’il existait des bots vocaux qui était capable d’informer les stagiaires des dates possibles de formation et de bloquer les dates sur l’agenda, voir même d’envoyer la convocation de confirmation, aujourd’hui avec l’IA générative, l’agent conversationnel peut comprendre beaucoup plus de situation et toujours avec élégance.
L’IA est capable de gérer l’administratif, mais aussi répondre à un appel d’offres, construire un programme qui tienne compte des spécificités de la demande, construire un argumentaire marketing voir même les supports projets… automatiquement. La supervision humaine est encore indispensable mais cela permet de développer la créativité, essayer pour voir. Un vrai levier de performance et d’innovation en formation.
7, L’ingénierie des plates-formes
Les plates-formes numériques sont des espaces de rangements pour des produits apprenants, mais avec le phénomène de scalabilité qui permet d’utiliser et de réutiliser quasiment à l’infini un même grain de formation et si l’on rajoute des usages comme le Learning Generated Content, la masse d’information nécessite un traitement numérique, Copilot ou MerlinIA sont des aides appréciables.
Mais l’innovation des plates-formes vient de l’analyse des learning datas. Sortir du traditionnel LSAT généraliste pour faire une analyse plus fine, et permettre tout à la fois de construire des indicateurs d’impact, mais surtout de prédictibilité des besoins de l’apprenant. La plateforme n’est pas un diffuseur de formation, mais un outil d’écoute de l’apprenant. Apprenant first. Reste à construire les politiques de social scoring de la plateforme.
8, L’érotisation du e-learning
Le e-learning souffre d’un défaut de jeunesse, en 1981, elle laisse l’apprenant seul face à la machine avec une motivation qu’il doit trouver seul. Or la motivation est sociale, c’est à la société de faire marketing de donner envie du produit de formation. Cela s’est traduit par le développement de Learner eXperiences (LX), « l’effet waouh » développer une pédagogie de l’émotion pour favoriser l’engagement numérique. Emotion, motivation même racine.
Le marketing n’est pas que de l’offre, c’est aussi un marketing de la demande et les apprenant veulent être acteur, Ivan Illich dit même « auteur » de leur formation. Faire un hackathon intercontinental ne peut se faire que numériquement. Le marketing doit mettre en place des indicateurs de suivi de performance non pas centré sur les experts, mais sur les apprenants et ainsi décentrer la formation.
9, La pairagogie
La pairagogie est née avec Howard Rheingold en 2011, une pédagogie de pair à pair, redonner la main aux apprenants. Elle s’inscrit dans l’émergence d’un nouveau paradigme « Les foules intelligentes » (Howard Rheingold, 2005) et « La sagesse des foules » (James Surowieski, 2005), remettre l’apprenant au centre de la formation, en faire un créateur de formation. Organiser le bottom up des apprenants.
Il existe deux tendances : l’intelligence collective qui permet de réunir ponctuellement des individus autour d’une problématique et par interaction construire des solutions, et, ceux qui comme Mehdi Moussaid, avec sa notion de fouloscopie, qu’il existe autre chose que la seule résolution fonctionnelle de problème, une autre façon de faire sens et d’enthousiasmer les apprenants avec d’autres déterminants.
10, L’impact carbone de l’Edtech
La montée en puissance de l’impératif durable touche la formation avec la volonté de connaître l’impact écologique de ses pratiques et la volonté de prendre sa part dans ce mouvement sociétal. L’ADEME, agence gouvernementale pour la transition écologique, montre que c’est dans le choix du matériel que réside l’essentiel des économies avec par exemple la proposition du reconditionnement.
La formation peut calculer l’impact carbone du présentiel (transport des stagiaires, hébergement, formation,…) par rapport au distanciel (choix matériel,…) ou des différents supports choisit, la vidéo streaming est beaucoup plus chronophage qu’un podcast audio téléchargé. Les nouveaux usages écoresponsables sont à construire en formation. L’empreinte carbone n’est qu’un des éléments de la durabilité.
& EN BONUS Le e-learning quantique
L’informatique quantique est une révolution à surveiller. Traditionnellement, les bits sont binaires, là les qubits peuvent prendre en même temps plusieurs états, cela multiplie par 10 la vitesse de calcul, et ce n’est que le début. Au moment où les environnements numériques sont de plus en plus chronophages, la capacité de calcul devient un atout important pour la création des usages. Ce pourrait être une deep tech.
Fait à Paris, le 09 janvier 2024
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