L’IA, est-elle l’avenir de la création de contenus en formation ?

par | 18 octobre 2022 | Technologie

Midjourney et Dall-e ont révolutionné l’Intelligence Artificielle. Au point où le magazine The economist en juin 2022 en a fait sa couverture : la nouvelle frontière de l’IA. 2022, sera-t-elle l’année du basculement de l’IA ? L’Intelligence Artificielle, est-elle en train de gagner la guerre de contenus ? La machine, va-t-elle remplacer l’homme dans son métier de créateur de contenu ? Quelle sera la conséquence pour le monde de la formation ? L’IA agent conversationnel, on connaît, mais l’IA créateur de contenu, c’est nouveau. Qu’est-ce qui restera au bon formateur d’antan ?

1, L’IA est devenue une créatrice de contenus

Midjourney (date de création 2022) est un laboratoire de recherche spécialisé dans l’IA qui produit des images à partir d’une demande textuelle, des images saisissantes par leurs qualités (https://www.midjourney.com/showcase/). Dall-E, en hommage au peintre Dali (date de création 2021) propose la même chose dans sa version 2, ces images semblent, selon les praticiens, libres de droit (https://openai.com/dall-e-2/). Aujourd’hui, OpenIA, la maison mère de Dall-E, revendique 1,5 millions d’utilisateurs et génère 2 millions d’images par jour. Ils sont en version Beta, mais accessible à tout le monde.

En août 2022, le magazine LIFE faisait sa couverture sur une bande dessinée entièrement dessinée par IA, c’est bluffant : https://www.actuabd.com/L-Intelligence-artificielle-est-elle-une-autrice-de-BD-consciente. Il suffit de construire une histoire pour la voir apparaître automatiquement dans le style demandé en 3 semaines, 1 000 images. Pour mettre en perspective l’outil, Dreamstudio propose un modèle économique, 1 000 créations par IA pour 12 €, et le prix devrait baisser. Les chiffres sont saisissants pour 12 €, on peut avoir 1 000 posts personnalisés qui peuvent servir à animer une communauté apprenante, si l’on produit tous les 250 jours ouvrés, on a pour 4 ans de production quotidienne. Et ce n’est qu’un début…

Pour ne pas se laisser distancer, Meta, qui travaille dessus depuis longtemps, a anticipé sa présentation de Make-A-Video, c’est dire si 2022 est une date importante. Make-A-Video ne crée pas des images, mais des vidéos (https://www.youtube.com/watch?v=Zdfxo-eWFYk). Il semble que ce soit aujourd’hui plus des assemblages d’images, autrement dit, il s’agit de prendre ou de créer une image et lui donner du mouvement pour en faire une vidéo courte avec la même mécanique une demande texte et c’est l’IA qui crée. On peut demander une femme qui court sur la plage soleil couchant et la vidéo est créée, et même anonymisée, pour éviter un éventuel problème de droit à l’image. A quand un tuto de formateur en train d’expliquer en micro-learning créé uniquement par l’IA ?

2, Comment cela fonctionne-t-il ?

Au commencement était GPT (Generative Pre-trained Transformer) développé par OpenAI en 2018. Nous en sommes aujourd’hui à GPT-3, 3ème version depuis 2020 avec 175 milliards de paramètres, c’est la plus grosse réalisation de ce type. C’est un outil de machine apprenante qui suivant OpenAI qui peut exécuter « n’importe quelle tâche » à condition de rentrée une demande texte en amont, un « prompt », un ensemble de mots clés. Stéphane Marshall a utilisé GPTR-3 pour créer un sonnet à la manière de Shakespeare, d’autres se propose de peindre à la manière des grands peintres, il suffit de demander et de créer un compte sur les plates-formes, c’est gratuit pendant la période Bêta. Certains parlent de savoir écrire un prompt et pensent à un nouveau métier le prompt designer devrait émerger. La réalité est que la machine comprend de mieux en mieux les prompts, et saura de plus en plus taper juste. Tous créateurs de formation devient une réalité. On peut noter que le prompt est écrit aujourd’hui, mais techniquement rien n’empêche de l’avoir à l’oral ou en visuel par exemple. Il suffit de parler à son à Alexa pour avoir une création.

L’IA va en quelques secondes générée une image à partir des mots tapés. Le processus de machine learning se fait à partir des images disponibles sur internet, mais ce qui est extraordinaire, c’est qu’il va « manipuler et réorganiser » les objets et « remplir les blancs » pour construire une image réaliste. Si l’on demande de faire une illustration d’un texte à la manière d’un grand peintre, il va rechercher les tableaux du peintre et recréer son style pour répondre à la demande avec un rendu bluffant. L’IA a une capacité a comprendre les tendances visuelles qui dépassent l’entendement.

L’intelligence artificielle reste supervisée dans le processus, car l’image est soumise à la sélection de l’humain qui a le final cut. L’écart entre le prompt et le rendu est sujet à interprétation autant par la machine qui apprend que par l’homme qui apprend à affiner sa demande. Mais avec l’historique la machine peut très bien personnaliser le prompt, une belle fleur de couleurs est fortement soumis à interprétation, la machine peut très bien enregistrer les fleurs et les couleurs validées pour ensuite les produire de façon individuelle. Avec un minimum d’historique, il est possible de voir la machine nous proposer encore mieux que ce que nous avions rêvé, « vous n’en avez jamais rêvé, l’IA l’a fait ». La supervision humaine pourra donc être réinterrogée.

3, Quelles conséquences pour la formation ?

La première conséquence est la démocratisation et l’industrialisation de la création des contenus. Avec GPT-3, l’IA est capable d’écrire des articles de haut niveau, des chansons, des conversations,… Cet été, GPT-3 a écrit un article scientifique sur l’IA. « Cela ressemblait à n’importe quelle autre introduction d’une publication scientifique relativement bonne » proposait la chercheuse qui a lancé le prompt. L’IA peut aussi produire des images, des séries d’images comme les BD, des vidéos sans doute des podcasts. Chaque formateur, mais aussi chaque apprenant, peut devenir pour reprendre le mot d’Ivan Illich, auteur de sa propre formation. L’IA libère la formation en massifiant la création.

La démocratisation amène l’inflation des contenus. Trop d’information tue l’information, l’homme sera encore moins capable de trier entre le bon grain et l’ivraie. Ce sera à l’IA de faire l’agrégation et du tri de contenus. Face à la pléthore, le risque est grand de développer des bulles de filtres pour reprendre le terme de son créateur l’influenceur américain Eli Pariser, à force de se retrouver autour des personnes qui pensent pareil, on a tendance à penser que ce que l’on dit est vrai à cause d’une consanguinité. L’appauvrissement de la formation, peut très bien être remplacé par un algorithme de découverte de contenu à la manière de TikTok. Autrement dit, l’IA pourrait observer des critères ordinaires d’un individu pour sélectionner des contenus extraordinaires. Reste à paramétrer l’algorithme, et cela n’est pas neutre.

Si l’apprenant devient auteur de sa formation, que l’algorithme sélectionne les meilleurs grains de pédagogie par rapport à la demande, serait-ce la fin du formateur humain ? Pour l’instant, absolument pas, car il existe des fonctions qui nécessitent l’intervention humaine : il y en a deux : l’orientation professionnelle et l’accompagnement. La socialisation des contenus reste une prérogative humaine. La machine peut être un outil important d’évaluation, mais aujourd’hui l’homme a besoin de l’homme pour effectuer son passage à l’acte et maintenir sa motivation dans le temps. C’est tout le travail de marketing de la formation. On sait bien donner envie pour acheter des petits pois, il s’agit de construire une orientation qui fasse kiffer le futur apprenant, cette motivation peut être pull/push, mais elle est encore le fait d’un être humain socialement légitime.

Cette automatisation de la création des contenus est une chance extraordinaire pour construire le projet ancien de formation tout au long de la vie de chacun et concrétiser ainsi le rêve de Nicolas Condorcet grâce à la scalabilité des contenus. Il ne s’agit pas de bouder son plaisir d’avoir une belle ambition formative, mais aussi de regarder avec vigilance la standardisation de contenus. Les positifs parlent de formation universelle par les faiseurs de contenus (américains et chinois) avec le rêve de certains d’avoir une organisation mondiale de la formation, mais on peut aussi s’interroger sur la mécanisation des contenus qui fait que l’homme n’est plus créateur de contenu, mais créateur de demande de contenu. Cette mécanisation transforme l’apprenant en homme-machine (La Mettrie) avec l’interrogation de la relation entre l’un et l’autre, c’est tout le questionnement militant de la Singularité. A chacun de créer sa propre religion sur le sujet…

Fait à Paris, le 18 octobre 2022

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