Responsable de formation, l’érotisation du métier

par | 17 octobre 2023 | Ma catégorie

Le responsable de formation doit construire son employabilité. Quelles connaissances ou quelles compétences, doit-il mettre en avant pour avoir une résonance sociale ? Qu’est-ce qu’un bon responsable de formation dans la sociologie des besoins des entreprises ? C’est la question du professional branding. Quels signaux de valeur le responsable de formation, doit-il mettre en avant ? Comment se positionner dans un métier, qui comme tous les métiers, s’interroge particulièrement dans un monde en disruption ? Comment le responsable de formation doit-il érotiser aujourd’hui son métier pour donner l’envie à l’employeur de le choisir ou de le retenir pour longtemps ?

1, La fétichisation des emplois

Un métier est un référentiel socialement accepté, comme certains ont pu le lire dans un précédent article (https://affen.fr/uncategorized/quel-est-lavenir-de-nos-metiers/). En période de standardisation le référentiel étant suffisamment stabilisé, chacun parle sensiblement le même langage. Mais dans une période de disruption, le référentiel explose et les signaux de valeurs se construisent en marchant. Un responsable de formation doit-il être canal historique ou doit-il être capable de montrer qu’il est dans l’ère du temps professionnel ? Doit-il être montré qu’il utilise ChatGPT, cela lui donne-t-il un avantage comparatif pour son employabilité ? Et pendant combien de temps ce signal de valeur va-t-il procurer un avantage ?

Le métier est un référentiel qui bouge à la marge et en son cœur. Le temps stabilisera les choses mais aujourd’hui comment bouger avec les besoins réels des entreprises ? C’est l’horizontalisation des composantes du métier. Chacun peut développer des compétences spécifiques. Si elle rencontre son public, c’est que la valeur est validée, sinon c’est qu’on est passé à côté. La grande nouveauté est que la main est redonnée au détenteur du métier pour qui construise la nouvelle cartographie des connaissances et des compétences. Un responsable de formation qui aurait comme connaissance ou compétence la capacité de calculer l’emprunte carbone de ses formations présentielles et/ou numérique aurait au minimum un atout comparatif qui peut faire la différence.

Dans la controverse Debord-Baudrillard, chacun reconnaissant « La société du spectacle » (1967), la grande différence est que Guy Débord considère que c’est la société qui impose la fétichisation des métiers, là où Jean Baudrillard introduit la notion de chacun est responsable du spectacle qui veut bien produire. L’employabilité redonne la main à la personne pour qu’il choisisse le spectacle professionnel qu’il voudra bien réaliser. Chacun devient réalisateur de ses propres compétences, un publicitaire de sa propre valeur. La réussite du spectacle est ou non l’emploi qui s’en suis ou non. Un responsable de formation qui se spécialiserait dans l’EdTech n’aurait pas le même positionnement qu’un autre qui se spécialiserait sur l’intelligence collective ou la pairagogie. C’est une liberté nouvelle qui est donné à chacun… créateur de valeurs.

2, Le responsable de formation est devenu opportuniste

Le 20ième siècle avec l’Organisation Scientifique de la Formation (OSF) a construit des standards professionnels avec des cartographies de compétences : analyser les besoins de compétences, rédiger les cahiers des charges, gérer les budgets, rechercher des financements, anticiper les compétences, … Le cœur de cette mécanique sociale est la notion de projet professionnel, que l’on retrouve d’ailleurs avec des outils comme l’entretien professionnel par exemple. Alain Frédéric Fernandez, expert émérite, constate que seulement 2 % des salariés viennent avec un projet professionnel. Le projet en principe assure le progrès social, jeter une idée en avant pour améliorer les choses. Dans un monde qui ne sait plus où il va, comment préserver cette idée de projection ?

Le responsable de formation qui n’aurait pas de projet professionnel serait-il un benêt professionnel ? Pas forcément, dans un monde qui ne se prévoit plus, se projeter n’est pas raisonnablement la meilleure solution. Le responsable de formation peut devenir opportuniste avec deux composantes écouter les opportunités et susciter les opportunités. Le responsable de formation peut devenir un data scientiste et/ou un marketeur de la formation avec la même composante qu’est la data. Quel sera l’avenir ? On le saura… mais, après. Le responsable de formation doit écouter les signaux faibles du métier pour pouvoir anticiper les évolutions majeurs, et suivant les trends qu’il choisit construire un professional branding qu’il affichera faisant venir à lui ceux qui partagent les mêmes choix, renforçant ainsi son positionnement. Si le temps valide ce positionnent, le responsable de formation renforce sa désirabilité professionnelle.

Le responsable de formation doit se penser comme un métier, et se dire sur les sujets qu’il trouve important. Autrement dit, il devient un militant professionnel, la formation prône l’engagement des apprenants, le métier doit aussi s’engager à son tour pour se penser jusqu’à ce qu’émerge le future standard social qui s’imposera comme la référence du métier. La grande chance des métiers est que cette liberté ouvre de belles perspectives, si le responsable de formation peut se donner une couleur neuroscientifique, designer, marketeur, tech, pédagogique, écologique, éthique,… pour érotiser le métier, redonner du sens dans sa double acceptation, la finalité du métier et la résonance sociale de la fonction. On est le responsable de formation que l’on désire, sous réserve de la culture de l’entreprise, mais avec des degrés de liberté qui sont socialement rares.

3, Le responsable de formation devient un influenceur

Faire du responsable de formation en entreprise un influenceur social suppose qu’il ait un message à transmettre, une promesse métier, qui s’inscrive dans la corporate branding, en direction des collaborateurs, mais aussi des potentiels collaborateurs qui sont hors de l’entreprise. Il construit un écosystème apprenant où l’engagement est une vanity metrics pour savoir combien la communauté apprenante interne et externe devient un incubateur créateur de connaissances ou de compétences. Cette horizontalisation de la fonction est au cœur de l’entreprise apprenante : un outil d’écoute, d’action et d’agilité organisationnelle.

Et pour ce qui est du hors-entreprise, « LinkedIn devient ton ami » : profiter du monde entier pour se faire connaître dans ce qui nous différencie, mais aussi pour produire du contenu qui positionne le métier de responsable de formation enrichi de l’intelligence collective, créer un commun pour enrichir le quotidien de chacun. Le responsable de formation devient un maker, un faiseur. Profiter de ce média pour enregistrer des podcasts, des shorts, de l’infographie, des articles,… pour prendre position et/ou de demander aux autres de prendre position sur les fonctions canal historique mais aussi sur le hacking du métier. Faire comme le disait Juger Habermas une éthique de la discussion dans son tiers lieu numérique et apporter son regard dans les tiers lieux des autres pour faire lien.

Ce qui est assez extraordinaire, c’est que, dans cette nouvelle configuration professionnelle, tout est à construire. Comment donner de la valeur à des activités qui ne sont pas encore validé socialement ? En s’auto-évaluant, avec par exemple, la production privé d’open badge qui explique une compétence nouvelle pas encore reconnue par le marché et qui peut être demain se retrouvera au cœur des politiques de reconnaissance des entreprises ou des branches professionnelles. Etre créatif dans l’évolution et le faire savoir devient à la portée de tous. La liberté de faire vivre un métier comme celui de responsable de formation n’a jamais été aussi facile à mettre en place.

Chaque individu a la possibilité de se construire un « capital réputationnel », la liberté de produire est une chose difficile à faire seule, il est pour la majorité plus facile de construire dans un cadre déterminé que de construire le cadre et la matière, c’est la raison pour laquelle l’entreprise peut avoir intérêt à développer des territoires où la création de ce capital se fait ensemble, une stimulation qui favorise le courage et le passage à l’acte. Erotiser le métier devient un moment de fierté, et de bienveillance, dire bien et dire le bien. Un exemple pour tous les autres métiers… et un atout pour recruter les meilleurs. Fier d’être responsable de formation. Comment se priver de cet atout ?

Fait à Paris, le 17 octobre 2023

@StephaneDIEB pour les commentaires X (ex-Twitter)

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