L’éthique du beau en formation

par | 7 juillet 2025 | Philosophie, Responsable de formation

Le beau est social.

Pierre Bourdieu, « Le goût est l’objet d’un apprentissage, et cet apprentissage est socialement conditionné » (La distinction, 1979).

Les goûts et les couleurs dépendent du milieu social dont on fait référence, le capital culturel de l’individu.

Chaque culture a sa définition du beau.

Le beau est un marqueur de distinction sociale.

« Le goût classifie, et il classe celui qui classe » (La distinction, 1979).

Le raffinement de l’esthétique est un outil de reconnaissance des élites.

Marcel Duchamp avait cette formule admirable : « Ce sont les regardeurs qui font les tableaux » (Entretiens, 1967), il propose de repenser les regards, ouvrant ainsi un mouvement de démocratisation du sensible, supprimer la hiérarchie entre l’art noble et les objets ordinaires.

Tout peut être beau si on le désire.

Les neurosciences expliquent le phénomène. « L’expérience du beau est le fruit d’un dialogue entre la forme perçue et le vécu subjectif » (Jean-Pierre Changeux, la beauté dans le cerveau, 2016).

Semir Zeki, père de la neuroesthétique, montre que la beauté est une forme de récompense cognitive.

Le beau favorise le plaisir d’apprendre.

Le beau augmente les capacités d’attention et renforce la mémorisation des savoirs.

Mary Helen Immordino-Yang, neuropédagogues : « La beauté touche la personne et la rend disponible à apprendre » (Emotions, learning and the brain, 2015).

Qu’est-ce que cela change ?

Le geste ou le verbe maîtrisé est un acte éthique.

« Le travail bien fait, c’est le respect de soi dans l’attention à la chose » (Richard Sennett, Ce que sait la main, 2008).

Le travail bien fait est l’affirmation d’une identité professionnelle par le beau, la fierté de mobiliser ses capacités, un raison d’être. On pourrait citer aussi Matthew Crawford et « l’éloge du carburateur ».

Et en formation ?

Cela donne 3 types de postures.

La première est celle du novice. Jean Piaget avait cette formule : « Le plaisir de la découverte est souvent plus vif chez l’ignorant que chez le savant, car tout y est surprise » (Psychologie et pédagogie, 1969).

La curiosité est un puissant moteur d’apprendre et la sublimation freudienne, une mise en perspective. Freud prend l’exemple de Léonard de Vinci dont la curiosité serait issue de la transformation de ses pulsions immédiates en une réalisation sociale reportée (Trois essais sur la théorie sexuelle,  1905).

La formation, c’est la joie d’inhiber l’immédiat au profit d’une contribution sociale future.

La deuxième posture est celle de l’expert.

C’est la joie du virtuose, une joie plus profonde, plus intime du sentiment de contrôle.

« Le plaisir du virtuose est dans le jeu de la complexité maîtrisée » (Mihaly Csikszentmihalyi, Flow, 1990). L’expert tire du plaisir de la difficulté maîtrisée.

Autrement dit : « Le novice fuit l’erreur ; l’expert la cherche, car elle est la frontière de sa maîtrise » (Donald Schön, The reflective practitioner, 1983). Et les deux recherches la joie de la pratique.

On pourrait rajouter comme troisième posture, celle du spectateur. Celui qui est au spectacle de l’expertise du novice ou du maître. Le plaisir mimétique de l’esthétique de la compétence.

L’ambition de la performance développe une joie sociale à condition d’accepter l’esthétique, la beauté du geste ou de la parole.

L’esthétique incarne la performance.

Se priver du beau, c’est se priver de la joie du travail bien fait.

Fait à Paris, le 07 juillet 2025

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