« Il est grand temps de rallumer les étoiles »

par | 11 juillet 2025 | Philosophie, Responsable de formation

Dans un monde où la formation s’est technicisée, instrumentalisée par les logiques de compétences, de conformité, de ROI, elle court le risque d’un désenchantement pédagogique : perte de sens, d’enthousiasme, d’engagement.

Réenchanter, c’est introduire du désir, du symbolique et de l’imaginaire dans l’acte de transmettre.

Michel Maffesoli avait ce bon mot « érotiser » la formation (Homo eroticus, 2012).

Eros comme énergie vitale, tension vers le savoir, force d’attirance sociale.

Platon disait « Eros est amour du savoir, tension vers l’inaccessible » (Le Banquet, 380 av JC).

Pour lui, la formation érotique est un processus d’élévation par le manque, par soif du vrai, du beau, du bien. On attribue à Célestin Freinet l’aphorisme : « Former, c’est donner soif ».

Michel Maffesoli considère que la société postmoderne se caractérise par un déplacement des valeurs : la recherche de la vérité objective laisse place à l’importance des émotions, du sentiment d’appartenance et du partage des modes de vie.

Il parle de « tribus » (Le temps des tribus, le déclin de l’individualisme dans les sociétés postmodernes, 1988) qui se forment autour de styles de vie communs, plutôt que la quête rationnelle de la vérité.

« Ce n’est plus la quête du vrai qui anime les sociétés contemporaines, mais la recherche de l’intensité, de l’émotion partagée, de l’appartenance à des communautés affectives ».

Réenchanter la formation, c’est lui redonner corps, cœur et souffle.

Guillaume Apollinaire dans Alcools (1913) résumait bien la situation par une formule devenue célèbre : « Il est grand temps de rallumer les étoiles ».

La formation s’est perdue.

Edgar Morin parlait de paradigme perdu (1973) où il propose d’ajouter à Homo sapiens, Homo faber et Homo demens pour construire un paradigme retrouvé. L’Homo demens est l’homme du rêve, du mythe et de l’émotion. Relier l’homme à sa nature complexe.

Les métiers sont porteurs de la raison, du faire et de l’émotion, et surtout ils prônent le ensemble, les anciens, les acteurs et les prochains.

Les neurosciences vont plus loin que l’idée d’homme social d’Aristote.

« Le cerveau est fondamentalement social. Etre reconnu, c’est être sécurisé. Etre fier, c’est être reconnu dans le groupe » (Matthew Lieberman, Social, why our brains are wired to connect, 2013).

L’appartenance à un groupe est essentielle à la survie de l’homme, c’est aussi important que la nourriture ou l’abri. L’homme est fait pour créer des liens sociaux, c’est notre « réseau par défaut », il se concentre naturellement sur les interactions sociales et nos relations avec les autres.

A 10 ans, un homme moyen aurait déjà passé 10 000 heures en relations sociale, la règle des 10 000 heures en fait un expert des relations sociales… à 10 ans.

Elizabeth Dunn et Michael Norton avaient calculé que faire du bénévolat une fois par semaine augment le bien-être dans des proportions comparables à une augmentation de salaire de 20 000 à 75 000 dollars par an (Happy money, 2013).

Ce qui compte, c’est le sentiment d’être utile, d’être dans un groupe quelle que soit l’ambition partagée, la formation doit retrouver l’ambition des hussards noirs de la République (Charles Péguy, L’argent, 1913), un rêve partagé.

C’est le partage qui fera société.

Et pourquoi ne pas revenir à l’éthique naturelle de l’homme prendre soin des siens ?

Fait à Paris, le 11 juillet 2025

@StephaneDIEB pour vos commentaires sur X

Découvrez « 100 expériences scientifiques de la formation »

Achetez le nouveau livre indispensable pour profiter de la synthèse des fondements scientifiques des pratiques de la formation.