Le responsable de formation, est-il un Chief Data Officer ?

par | 5 avril 2022 | Organisation

Tout le monde est d’accord pour dire que la data est “l’or noir” du 21e siècle. Celui qui possède la data sera celui qui assurera la maîtrise de son activité. Le responsable de formation, a-t-il vocation à être le maître des données ? Le RF, doit-il devenir un directeur des données ou CDO pour reprendre l’acronyme anglophone ? Doit-il se former dès aujourd’hui à des compétences nouvelles autour de la data ? Que faut-il en penser ? 

1, Qu’est-ce qu’un Chief Data Officer ? 

On pourrait commencer par dire ce qu’il n’est pas. D’autant qu’il y a similitude des acronymes. Un Chief Data Officer n’est pas un Chief Digital Officier, même s’ils sont tous deux CDO. Un Chief Digital Officer est le responsable de la transformation numérique de l’entreprise globalement ou plus localement le responsable de la transformation numérique de la formation, passer de la formation présentielle à une formation numérique avec le pilotage social de cette transformation. Alors que représente le Chief Data Officer ? 

Le Chief Data Officer regroupe deux compétences métiers complémentaires, Data miner et Data scientist. Le Data miner ou fouilleur de données, va chercher les données pour les extraire et permettre ainsi leur exploitation par des algorithmes. Il va les stocker dans des Data warehouse, des fermes à données pour permettre ainsi leur exploitation future, le Datameaning. Le Data scientist est la fonction star de la data, c’est celle qui va faire le traitement statistique de la data pour assurer un tableau de bord à minima ou une prédictibilité au maximum. Il s’agit de travailler la donnée en temps réel et de choisir la méthodologie de traitement, tous les algorithmes ne se ressemblent pas, savoir en choisir un a des conséquences importantes sur la qualité de la donnée, avec des biais parfois socialement condamnables. 

On pourrait rajouter deux fonctions qui sont parfois complémentaires au métier de Chief Data Officier : des compétences liées à la cybersécurité, pour apprendre à protéger les données avec la RGPD, mais aussi l’anticipation de possibles ransomwheres ou autres virus de phishing, et le métier de développeur qui permet de construire les sites et applis qui collectent la donnée. Les métiers ont une identité, mais ne sont pas identiques, chaque entreprise en fonction de son histoire et de sa culture adapte les activités métiers à ses besoins. 

2, La Révolution des datas est en marche 

La révolution des datas n’est pas qu’une simple amélioration du traitement statistique de variance et de covariance pour construire des profils en temps réels permettant ainsi d’anticiper les évolutions éventuelles. Se pose la question du machine learning ou du learning machine, les apprentissages sont-ils automatisés ou la machine apprend-elle sans supervision ? C’est un sujet que nous avons déjà traité https://affen.fr/technologie/formation-lia-est-elle-vraiment-notre-amie/ et qui peut faire en soit office de révolution. 

Mais il existe dans le minage des approches qui ouvrent des perspectives particulièrement intéressantes. Comme on l’a vu le Data miner est celui qui cherche les données avant l’exploitation. La reconnaissance textuelle a fait beaucoup de progrès. C’est que ce que l’on appelle la sémiotique, l’analyse de la sémantique, le sens que l’on donne aux signes avec leur syntaxe, l’articulation du sens des signes. On parle aussi d’Internet sémiotique. L’ordinateur analyse les signes, mais surtout le contexte pour donner le sens au signe, comme par exemple l’analyse des traits d’humour, comme quoi la machine n’aurait pas d’humour… Qu’est-ce que cela peut vouloir dire pour le monde de la formation ? Les agents conversationnels font de bons formateurs ou au moins de bots formateurs. En 2016, Tay, l’agent conversationnel de Microsoft, est devenu “raciste” faute de bien comprendre le sens des signes. 2020 l’IA est devenu journaliste, créateur de contenu en temps réel avec un certain succès. 2020 Agacare lance le premier coach virtuel. 

La sémiotique touche d’autres secteurs tout aussi prometteurs. On peut retenir la reconnaissance faciale qui permet de donner du sens aux micro-signaux visuels. Zero to one industry propose depuis 2007 une automation de l’analyse qui peut avoir un véritable impact dans le pilotage pédagogique des classes virtuelles, optimiser l’attention en évitant le burn-out attentionnel. La sémiotique touche aussi la reconnaissance vocale sur les podcasts ou les vidéos, sans parler de l’IoT avec Siri, Alexa ou Google now qui permet un enseignement avec une interface particulièrement prometteur pour la formation. Le Data miner se doit de construire un accès à des datas pour optimiser la relation apprenante, selon une étude de IDC, 68 % des données de l’entreprise n’ont aucune exploitation et pour les 32 % restant, on peut faire beaucoup mieux (https://affen.fr/pedagogie/sortez-les-learning-datas-du-frigo/) à condition de faire un travail de prospection. 

3, Que faire de ces données apprenantes ? 

Le premier usage est celui de construire un dashboard avec des indicateurs de pilotage de la formation. Reste à définir les bons indicateurs sociaux. Les Big datas permettent la requalification de la population en termes de connaissances et/ou de compétences en évaluant des poches de non-qualités, mais aussi les poches de potentialités, une nouvelle façon de construire une ambition formative avec le calcul d’indicateur d’impacts. Enfin, une formation dont on sait à quoi elle sert avec nouveauté du 21ème siècle une mesure des apprenants, fini les formations en blind test, c’est une nouvelle relation qui s’ouvre grâce à la data, mettre l’apprenant au centre de la data. 

Le second usage est celui du choix du type de traitement. Le problème du Big data est qu’il est Big, trop d’informations pour avoir un traitement autre qu’automatique avec une intelligence artificielle que fait le travail. Encore faut-il choisir le bon algorithme ? Il n’existe pas de neutralité algorithmique. De la façon de construire la data et de l’exploiter découle des biais cognitifs qu’il faut passer au tamis social. En 2014 Amazon avait utilisé un algorithme pour ses recrutements faisant comme d’habitude, mais cela s’est traduit par des biais “sexistes”, ce qui a conduit à l’abandon du projet. Le social et le politique sont nécessaires pour choisir ce qui est bien. Il ne s’agit pas seulement de construire des algorithmes “ouverts” dont on peut comprendre la mécanique, mais au final faire des choix sociétaux. La transparence est une condition nécessaire, mais non suffisante. 

Le troisième usage est celui de la pédagogie. Les deux premiers usages concernent l’efficacité de la formation, la pédagogie concerne l’efficience, une fois que l’on sait où l’on veut aller, quelle serait le chemin le plus efficace pour atteindre ce but. Reste à construire les balises de progrès, la sémiotique peut apporter de belles perspectives et ce d’autant que la modélisation a fait de grands progrès que ce soit visuel, auditif ou textuel. C’est une autre façon de comprendre le processus d’apprentissage qui est raisonnable et émotionnel. Si l’on suppose les communautés apprenantes, le travail est alors l’animation et la pédagogie du commun avec des communions apprenantes, mais aussi le pilotage de la formation avec l’analyse des mots utiliser pour comprendre le degré de transmission ainsi que le degré d’efficacité de la formation, ou même d’anticipation. 

 
La massification de la data oblige le responsable de formation à construire de nouvelles formes de formation ainsi que de nouveaux outils de pilotage. Prenons les soft skills qui seraient essentielles dans les nouvelles compétences des collaborateurs du 21ème siècle, il faut à la fois construire les définitions, les standards sociaux et les indicateurs de suivi. Tout est à construire. Y compris la politique de formation, veut-on des datas gendarmes à la Orwell qui récence tous les écarts pour sanctionner ou les datas accompagnement, voir les auto-data pour que chaque apprenant devient pilote de ses propres qualités. Le responsable de formation est celui non pas tant qui doit s’engager dans la data que celui qui doit faire de la data un progrès social, un storytelling qui favorise l’acceptabilité sociale et donc qui transforme le rêve de la data en une réalité opérationnelle. Transformer le rêve en réalité n’est-ce pas un beau métier ? 

Fait à Paris, le 05 avril 2022 

@StéphaneDiebold 

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