L’éthique du silence en formation

par | 8 juillet 2025 | Philosophie, Responsable de formation

Dans un monde saturé d’information, Bertram Gross parlait déjà d’infobésité en 1964 (The managing of organizations). Face à cette surcharge cognitive, le silence retrouve une valeur éthique et pédagogique.

Et ce n’est pas nouveau, Lao Tseu propose une autre posture éthique.

« Ne pas savoir est la vraie connaissance. Présumer savoir est une maladie. Prends d’abord conscience que tu es malade : alors tu pourras recouvrer la santé » (Le livre de la voie et de la vertu, Verset 71).

Le savoir comme maladie, c’est surtout croire que le savoir est la vérité.

« Dire un mot exclut tous les autres, ouvrir un livre ferme tous les autres, penser une seule chose déséquilibre le monde, aimer quelqu’un est le plus grand oubli. L’exercice ponctuel d’une seule vie n’aura jamais de sens » Et c’est là la source d’une liberté.

Jean Baudrillard proposait la distinction entre le réel et la réalité, le savoir est la réalité une façon de raconter le réel.

Lie Tseu fait l’apologie d’une pédagogie sans parole, une pédagogie de la contemplation.

Lie Tseu propose d’accueillir, d’apprendre le réel (Traité du vide parfait, V avant JC).

Dans une autre philosophie orientale, Maître Dogen proposait une belle interprétation du « Connais-toi, toi-même » : « Se connaître soi-même, c’est s’oublier. S’oublier, c’est être un avec tout ce qui est ».

Sortir des mots et des idées pour être en résonnance avec le monde.

Et c’est tout le courant mystique qui retrouve une place.

Le formateur est celui qui est et qui montre ainsi le chemin.

Faire plutôt que dire.

Le silence est épistémologiquement révolutionnaire.

D’autres proposent une transformation plus homéopathique, prendre le temps d’apprendre, faire du silence comme moment pédagogique. Le neuroscientifique Stanislas Dehaene a montré que le cerveau avait besoin de temps pour consolider ses apprentissages (Apprendre, 2018).

Se taire pour se former.

D’autres encore proposent sur les modèles de la slow education, la slow science ou le slow management, le slow learning : prendre le temps d’apprendre, en finir avec le snack content, micro-learning ultra fragmenté, apprentissage trop distribué pour garder le fil des apprentissages.

Prendre le temps de ses apprentissages.

Edward Deci et Richard Ryan (Self-determination theory, 2017) font une synthèse de plus de 40 ans de travaux sur l’autodétermination, et sur la partie slow learning, ils considèrent que laisser du temps à la décision renforce le sentiment de faire des choix par soi-même, son autonomie ; la lenteur renforce le sentiment de maîtrise de ses compétences, et enfin, le temps long valoriser les interactions sociales, la coopération, la compétition, un sens du commun.

Le slow learning respecte le temps de l’apprenant.

Hartmut Rosa dans « La pédagogie de la résonnance » (2023) montre qu’une pédagogie réussie ne se mesure pas à la rapidité de digestion des contenus, mais à sa capacité à créer une relation vivante entre l’apprenant et le monde, une relation durable, qui prend le temps de la durée, on parle alors de relation apprenante.

Si l’idéologie est de se centrer sur l’apprenant, reste à choisir le comment.

On attribue à Aristophane, V siècle avant JC : « Former l’esprit, ce n’est pas remplir un vase, c’est allumer un feu ».

Et le feu pour prendre doit prendre le temps de l’apprenant.

Un autre regard sur le temps personnel.

Fait à Paris, le 08 juillet 2025

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