L’éthique narrative de la formation

par | 10 juillet 2025 | Philosophie, Responsable de formation

L’éthique narrative trouve son origine contemporaine avec l’ouvrage de Jérôme Bruner « L’éducation dans la culture », mais avec son titre américain qui est peut-être plus explicite : « Actual minds, possible worlds » (1986) où il distingue deux modes d’organisation : la pensée logico-scientifique, centrée sur la démonstration, la preuve et la généralisation ; et la pensée narrative centrée sur l’interprétation, le vécu et l’intentionnalité humaine.

Sans critiquer le fait que la pensée scientifique est aussi une narration, l’idée de pensée narrative peut être définie comme une pensée qui cherche à comprendre, prendre avec soi, les actions à travers les récits.

Jean Baudrillard disait que le réel ne parle pas, il ait besoin de la narration pour en faire une réalité sociale.

« La carte n’est pas le territoire » (Michel Houellebecq, 2010), mais c’est un outil social pour pouvoir piloter la société.

« C’est en se racontant que le sujet se comprend » (Paul Ricœur, Soi-même comme un autre, 1990).

« L’identité narrative est cette identité qui se construit et se transforme dans le temps à travers le récit ».

La pédagogie narrative est une approche qui utilise le récit, individuel et collective, comme moyen de donner sens à l’expérience, de construire des savoirs et de favoriser la transformation de soi.

Yuval Noah Harari en fait le cœur de la nature de l’Homo Sapiens.

« Le véritable secret du succès de l’homo sapiens, c’est la fiction » (Sapiens, une brève histoire de l’humanité, 2011).

Grâce au langage narratif, les humains ont pu créer des réalités sociales partagées par l’ensemble de la communauté. La narration est la matrice du monde qui fonde nos sociétés.

« Apprendre, ce n’est pas s’approprier un savoir, mais entrer en résonnance avec des voix, des mondes, des histoires » (Béatrice Mabilon-Bonfils, Sociologie de l’éducation, 2019).

Faire de la formation, c’est se raconter des histoires qui portent un sens collectif pour porter les projets collectifs.

Le neuroscientifique Paul Zak apporte un éclairage sur l’impact de l’histoire (The morale molecule, 2012) : le raconteur ressent le plaisir de transmettre, créer un lien ; le raconté se sent reconnu, valorisé par le récit collectif ; et l’auditeur éprouve de l’empathie, de l’émotion et de la transformation par le récit.

Et pour tous une bonne histoire provoque un pic d’ocytocine dans le cerveau.

La formation est une belle histoire qui stimule l’engagement, favorise la mémoire émotionnelle et créer un espace de confiance et d’empathie entre les participants à la formation.

Et cela change la nature des métiers.

« Les métiers, c’est ce que les morts nous laissent, ce que les vivants en font, et ce que les vivant veulent transmettre » (Yves Clot, Le travail à cœur, 2010).

Le métier devient ainsi la mémoire vivante et le récit, l’outil qu’il permet de la réactiver dans le quotidien.

L’entreprise devient le lieu où se raconte le récit.

Faire revivre la mémoire des anciens pour raconter une nouvelle histoire, pas tout à faire la même, pas tout à fait différent, c’est un des gages de l’engagement.

Edgar Morin parlait de « communautés de destin ».

Faire de la proximité sociale autour d’une ambition partagée.

Fait à Paris, le 10 juillet 2025

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