L’éthique animalière n’est pas si naturelle que cela.
Dans une lettre au Marquis de Newcastle, Descartes disait : « Je sais bien que les bêtes font beaucoup de choses mieux que nous, mais je ne m’en étonne pas ; car cela même sert à prouver qu’elles agissent naturellement et par ressorts, ainsi qu’une horloge, laquelle montre bien mieux l’heure qu’il est, que notre jugement ne nous l’enseigne ».
L’animal est une horloge, une machine.
Ce n’est qu’avec Kinji Imanishi que l’idée de culture animale a vu le jour avec la volonté de former, de transmettre des formes sociales.
Dans cette approche, des chercheurs comme Jane Goodall ou Elisabeth de Fontenay ont donné corps à cette matière.
Franz de Waal a écrit « Les bases naturelles de la morale » (1996) où il montre que les singes ou encore dauphins peuvent avoir des comportements éthique hors de son espèce. On a déjà vu des dauphins porter secours à des nageurs ou des guenons adopter des petits chats. L’empathie ou la justice font partie des mammifères sociaux… et l’apprentissage.
Les animaux sont des apprenants au sens de sujet capable d’autonomie.
Il existe une pédagogie animale faite d’observation, de compagnonnage, de mimétisme, et même de jeu parfois.
« Sommes-nous trop bêtes pour comprendre l’intelligence des animaux » (2016) propose de penser l’’éthique de façon non anthropocentrée.
Apprendre à aimer notre animalité.
L’anthropologue Merlin Donal fait du mimétisme la première modalité pédagogique, une « cognition humaine sans langage » (Origin of modern mind, 1991).
Albert Bandura en a fait une théorie.
« Dans l’apprentissage vicariant, les individus observent le comportement des autres ainsi que les conséquences qui en découlent, puis décident s’ils doivent ou non imiter ce comportement en fonction de ce qu’ils ont observé » (Théorie de l’apprentissage social, 1977).
Mais l’éthique naturelle n’est pas qu’imitation.
L’exemple mésanges charbonnière montre que l’apprentissage vicariant n’est pas suffisant.
Robert Hinde et James Fisher (Further observations on the opening of milk bottles by birds, 1951) remarquait que les bouteilles de lait distribuées à Londres était scellés par un disque en carton en 1935 pour des questions d’hygiène les capsules d’aluminium ont remplacé les cartons et les bouteilles élancées pour laisser, mieux voir la crème de lait, riche en protéine et fort appréciée par les oiseaux.
Quel est le problème ?
Pour expliquer la rapidité de la diffusion de l’innovation, percer l’opercule, l’imitation n’est pas suffisant, c’est à partir du fait de voir le résultat, le trou, que la mésange imagine la démarche de son congénère.
Apprendre ne répète pas le geste, c’est à partir des traces qu’elle entrevoit l’intention de l’autre.
« Voir, c’est oublier le nom de ce que l’on voit » (Paul Valéry, Tel quel, 1941).
Sortir de nos automatismes de langage pour avoir un autre regard au monde.
Comme la mésange devant le trou dans l’aluminium, il faut parfois oublier le nom des choses pour en retrouver le sens.
Regarder son éthique naturelle, c’est pour reprendre la formule que Friedrich Nietzsche « Deviens ce que tu es, apprends à l’être ».
Encore faut-il accueillir ce que l’on est pour avoir le courage de l’apprendre.
Et si la plus belle part de l’homme en formation était son animalité ?
Fait à Paris, le 04 juillet 2025
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