Une nouvelle expérience apprenante :« Les 100 livres de la formation », le making of

par | 6 décembre 2022 | Pédagogie

La formation est touchée par une nouvelle pédagogie : une granularité différente qui semble privilégier le snack content, une grammaire nouvelle qui relie autrement les grains et une histoire originale qui sait capter l’attention dans le temps. Notre projet a été de reprendre ses tendances pour les mettre en œuvre autour d’un contenu assez classique. L’idée de faire une encyclopédie des auteurs, étymologiquement faire le tour du domaine, n’est pas nouvelle.

Notre propos est de la décliner avec les nouvelles tendances de la pédagogie, une façon contemporaine de donner de la saveur au savoir, et une ambition forte, faire avec du snack content une politique de l’excellence : tout ce qui est petit peut être grand. Trois questions pour présenter notre ligne éditoriale, et permettre la transférabilité de la démarche à tous les professionnels de la profession : les formateurs, les pédagogues et les responsables de formation.

1, Pourquoi lire les anciens ?

La première saison, les 20 premiers auteurs, sont « Les Anciens ». Quel intérêt d’interroger Homère ou Parménide ou même plus loin encore, lorsqu’on est pris par l’opérationnalité du quotidien ? Jean-Baptiste Vico, pédagogue du 17ème siècle, considérait que ceux qui oublient l’histoire sont voués à la revivre. Oublier les Anciens c’est être condamné à revivre les problématiques qu’ils ont déjà traitées et au pire faire du surplace. Dans notre monde marqué par le progressisme, la reproduction des problématiques anciennes n’a pour vocation que d’avancer, le progrès social.

Prenons un exemple, Pourquoi lire Socrate aujourd’hui ? Dans Phèdre, Socrate condamne l’écriture manuscrite, à quoi cela sert-il aujourd’hui ? Les raisons socratiques sont les mêmes que celles qu’on retrouve aujourd’hui avec ceux qui critique l’écriture numérique, ou ceux qui préfèrent le présentiel aux classes virtuelles. Pour Socrate, l’écriture est un média fossile, une trace de savoir qui a été vivant, mais qui ne l’est plus, une pensée manufacturée disait Bernard Steigler. Pour avoir une pensée propre, elle doit être relationnelle et humaine pour assurer une transmission des contenus.

Lire Socrate, c’est redonner de la matière à du savoir inerte. C’est la montée en puissance d’une nouvelle rhétorique numérique qui assure différemment la contagion émotionnelle. Matthieu Ricard, disait que « le messager est le message ». Et pour être relationnel le savoir scalable doit être animé, pour que le MOOC soit plus apprenant, il est nécessaire de lui adjoindre une communauté apprenante, que certains appellent le cohort-based learning. En dehors du wording, Socrate pose un problème et des solutions qui sont toujours entendables.

2, Pourquoi devenir radical ?

Michel Serres considère que la multiplication des livres avec la naissance de l’imprimerie, a ouvert une nouvelle ère, la culture des livres comme autant d’idées que l’on peut confronter et qui finalement peut nous perdre dans un brassage contradictoire. La radicalité, c’est revenir à la racine des choses pour sortir de l’écume des idées et pour ancrer sa pensée dans des choix solides. La radicalité en formation signifie quoi ? Explorer les définitions. Le premier livre est celui d’Antonio Damasio, il ouvre la distinction entre apprendre et former, et tant d’autres. Se poser la question de savoir ce qu’est-ce qu’un apprenant suppose d’avoir un cadre de référence ? C’est la polémique de Descartes contre Spinoza, la raison contre l’émotion. La raison sans l’émotion dans la formation n’est que ruine l’âme.

Quelles conséquences pour les métiers de la formation ? Suivant la définition, c’est toute la formation qui réinventer. Parler de l’émotion dans la science, c’est le travail de Paul Ekman en 1971, c’est la sémiologie qui s’invite dans les compétences métier, le retour par exemple des arts oratoires dans les compétences du formateur, ou la recherche de l’effet whaou pour le pédagogue, avec les pédagogies affectives. La définition fait la pratique. Aujourd’hui, la définition de l’apprenant qui semble monter en puissance est l’apprenant relationnel. C’est Emmanuel Lévinas qui fait référence, ou d’autres comme Michel Maffesoli avec « Le temps des tribus ». Et la pédagogie favorise alors soit la relation apprenante, soit la communauté apprenante, deux approches qui proposent des outils différents. On pourrait parler aussi de la différence entre l’individualisation de la formation et la personnalisation de la formation. Là encore deux stratégies différentes et deux pédagogies différentes.

Le monde bouge dans ses définitions et se questionner sur les racines assure un ancrage solide pour choisir. L’apprenant, est-il bon comme le propose Jean-Jacques Rousseau ou mauvais comme Nicolas Machiavel ? Prenons le cas de l’intelligence collective qui aujourd’hui porte en son sein la pairagogie (Howard Rheingold), elle suppose de postuler « Les foules intelligentes », là où tout le 20ème siècle a été caractérisé par l’infantilisation et la violence de ces mêmes foules. La transformation des formes de la formation avec l’ouverture du domaine des possibles peut donner le vertige pédagogique si l’on n’interroge pas sur les concepts qui la composent.

3, Pour quoi militer ?

La formation est un apprentissage socialisé, autrement dit des connaissances et des compétences que la société dit être bien, la morale apprenante. C’est ce que Thomas Khun appelle le paradigme dominant, la fenêtre d’Overtone ouvre le débat entendable dans le modèle existant. Aujourd’hui, un nouveau monde émerge, le numérique est un accélérateur de transformation, on quitte un paradigme que l’on connaît pour en penser un qui n’existe pas encore. C’est la raison pour laquelle la dernière saison des 100 livres de la formation est sur « les Techniciens ». Et à la manière de Thomas More, d’envisager la prochaine utopie. Deux singularités proposent deux scénarios différents, mais une même date 2045, celle de Joël de Rosnay et celle de Ray Kurzweil. Le livre permet la projection et donc de faire de la formation un domaine stratégique.

« Les prévisions sont difficiles, surtout lorsqu’elles concernent l’avenir » (Pierre Dac). Quand on ne sait pas où l’on va, il reste à militer pour le monde que l’on aimerait voir faire société, si l’on reprend le 19ème siècle de Saint Simon, celui qui fait progrès social. Nous avons la chance d’être dans une parenthèse sociale où tout devient alors possible pour celui qui comprend les opportunités du monde. « Que cent fleurs s’épanouissent, que cent écoles rivalisent » (Mao Tsé dong). La connaissance se décloisonne pour tout réinterroger soit au sein d’une déconstruction soit au sein d’une analyse systémique que ce soit la technique, les neurosciences, la sociologie… la formation se cherche, moment délicieux où tous les signaux faibles peuvent s’imposer comme dominant.

Quelle sera la place de la machine dans l’apprentissage de l’homme ? L’intelligence artificielle qui à l’origine interrogeait la machine pour savoir si elle pouvait égaler l’homme, s’interroge aujourd’hui sur le fait de savoir si l’homme sera encore à la hauteur. Mais de quel homme parle-t-on ? L’homme si raisonnable qu’il devient un homme-machine (La Mettrie), l’homme dans sa poésie (Edouard Glissant) qui réinvente la raison sensible, l’homme émotionnel, l’homme contemplatif. Edgar Morin disait que « les théories ne sont que des constructions de l’esprit » encore faut-il les connaître en tenant compte de la sociologie du moment, sans prise de tête. « La société des individus » (Norbert Elias) appelle « L’homo eroticus » (Michel Maffesoli), érotiser la formation pour lui donner un sens social.

« Les 100 livres de la formation » est une cartographie de l’existant pour permettre au lecteur de tracer son propre chemin. « La carte n’est pas le territoire » (Michel Houellebecq) mais bien utile pour construire sa voie. Avoir choisi moins de 400 mots par auteur est une façon de sortir de l’herméneutique de la formation pour permettre à chacun de devenir acteur de ses apprentissages. Dans la controverse entre Guy Debord et Jean Baudrillard, Jean Baudrillard pourrait faire sienne la citation de William Shakespeare « La vie est un spectacle, autant faire sa propre mise en scène ». Aujourd’hui chacun est réalisateur de son propre professional branding soit avec un storytelling, soit un storymaking. Cet ouvrage est une invitation pour nourrir votre marque personnelle en l’alimentant des aphorismes, grains fins, mais aussi des questions de fond pour donner du sens, de l’éthique à votre démarche. Notre seule ambition, qui n’est pas des moindres, est qu’ « il est grand temps de rallumer les étoiles » (Guillaume Apollinaire). Bonne lecture.

Fait à Paris, le 06 décembre 2022

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