Quel est l’avenir de nos métiers ?

par | 10 octobre 2023 | Ma catégorie

En matière de métier, la statistique qui circule dans les milieux autorisés, est que 85 % des métiers de 2030 n’existent pas encore aujourd’hui. Que faire des métiers d’aujourd’hui, qui ne représenteront que 15 % des métiers de demain ? Et légitiment, que faire des individus qui sont performants sur les métiers d’aujourd’hui ? La disruption fait peur, le monde de demain ne se dessine pas clairement, et le monde d’aujourd’hui est appelé à disparaître. Que doit faire l’entreprise de ses métiers ? Ne s’agit-il pas d’une déstabilisation sociale pour les détenteurs actuels de métier ? Qu’en penser ?

1, Quelle est la situation ?

Le chiffre de 85 % est un chiffre issu de l’Institut pour le futur qui est un think tank américain qui avait publié une étude en 2017 pour anticiper, soit 14 ans, aujourd’hui, il nous reste 7 ans, le chiffre est plus emblématique que statistiquement fondé. France Stratégie, en 2022, a publié une étude « Métier 2030 », 2030 semble donc un bon horizon pour penser les changements opérationnels. La révolution numérique, va-t-elle détruire les métiers ? Quel est l’avenir du métier de chauffeur de taxi face à la voiture autonome, des caissières face aux caisses automatiques ? Déjà, IBM annonce que ChatGPt va lui supprimer 30 % de ses effectifs. Assurément, le temps est à l’inquiétude.

L’innovation laisse la place à l’invention. C’est l’explosion des nouvelles technologies qui auront des conséquences majeures sur la réalité des métiers. Face à ce festival d’inventions, c’est la sidération, on regarde les actualités avec sidération, on devient spectateur du changement. Mais à force de regarder passer les trains, ne risque-t-on pas de ne pas de rater le train du progrès et de la performance ? Tout va trop vite. Qui se souvient qu’en 2021 Facebook se transforme en Meta pour montrer que la réalité virtuelle sera la transformation majeure de tous ? A la dernier keynote de Mark Zuckerberg, en 2023, le mot « métaverse » n’a même pas été prononcé. Tout pour l’intelligence artificielle. ChatGPT a été découvert par le public en novembre 2022, même pas un an et déjà une nouvelle version, les usages qui explosent, et des milliers d’autres Large Langage Models (LLM) en concurrence. Le foisonnement est extraordinaire, une invention pousse l’autre, sans savoir ce qui fera innovation dans les entreprises, un vertige organisationnel.

Qu’est-ce qu’un métier ? Ce n’est pas une activité, ni une profession si l’on reprend la terminologie de Florent Champy (La sociologie des professions, 2009, deuxième édition 2012). Par rapport à une somme d’actions réalisée, il manque une composante essentielle, c’est l’identité métier. Ce qui fait que tout le monde se reconnaît dans le métier, même si les activités sont très différentes d’une entreprise à l’autre. Un formateur de la fin du 20ème siècle avait des outils numériques comme par exemple PowerPoints, aujourd’hui, il doit maîtriser les classes virtuelles, peut-être les podcasts, l’animation des communautés apprenantes, voir les masterclasses ou les réalités virtuelles. Et pourtant, c’est toujours un formateur. L’identité sociale assure la continuité du métier. C’est la clé de la transformation des métiers réussie, conserver l’identité tout au long des changements d’activités. Tout changer pour que rien ne change.

2, Que doit faire l’entreprise pour faire évoluer les métiers de leur cœur d’activité ?

L’entreprise organise les évolutions. La première évolution est de structurer les veilles métiers opérationnelles. Une des évolutions majeures est la révolution de la data. Cette révolution est générique. Qu’est-ce que cela veut dire au sein de l’entreprise ? On sait que l’entreprise ne sait pas exploiter ses données et que les deux tiers ne sont même pas pris en compte. Qu’est-ce qu’on pourrait en faire techniquement avec les capteurs, les algorithmes et les usages nouveaux ? Quelles sont les promesses de ces nouvelles datas ? Comment construire l’acceptabilité ? Quelles sont les KPI pour assurer le pilotage de cette transformation ?

Si l’on prend un exemple, prenons les soft skills, comme nous l’avons présenté ailleurs (https://affen.fr/pedagogie/comment-les-soft-skills-deviendront-elles-des-hard-skills/) il est nécesaire de construire les indicateurs de performance, de proposer des promesses produits et d’assurer la transparence de cette progression pour permettre l’acceptabilité sociale. « 80 % des objectifs atteints et les 20 % restant, ont été analyser avec … », autrement dit « 100 % des objectifs traités ». La formation se construit une image de professional branding, le learnal branding, construire les valeurs défendues par le service formation.

L’acceptabilité de tech est importante. C’est le même problème que les luddites, en 1811, face à la première révolution technique (la vapeur) et son cortège d’automatisation. Les métiers automatiques réduisaient des deux tiers les besoins en homme, du jour au lendemain. Les tâcherons ont été sidérés puis ont décidés de prendre les armes et de détruire les machines-outils responsables de leurs malheurs. Les révoltes luddites étaient violentes en 1811 et 1812, les luddites cassèrent les machines-outils. Le gouvernement arrêta les révoltés en pendirent 13 et l’année suivante, tout était retombé (sous réserve d’un petit rebond en 1816) tout était fini. On peut tirer deux idées : le progrès technique n’a jamais été arrêté, il faut donc accepter sa marche inéluctable, et, pour éviter le rejet d’une telle révolution, il est nécessaire de construire une politique d’accompagnement, organiser socialement la transformation.

3, Comment organiser la transformation ?

Pour ce faire, il suffit de regarder l’histoire : comment s’est passé la dernière révolution technologique majeur (la deuxième sur trois) ? La deuxième révolution technologique est la révolution de l’électricité. Premier temps les inventeurs foisonnent. C’est la fameuse opposition entre Georges Westinghouse et Thomas Edison pendant l’Exposition Universelle de Chicago (1893), et le succès de Westinghouse avec son électricité alternative plus facilement déployable. Le deuxième temps est celui de la folie des inventions et des innovations, ce sont les années folles (1918-1929), les choses prennent forme. Et la troisième période est celle des Trente glorieuses, la standardisation du siècle jusqu’à se remise en cause. Le nouveau siècle pourrait retenir la même structuration. Nous sommes donc dans les « années folles du numérique ». Les inventions fusent. Qui se rappelle encore de ClubHouse, lancé en 2020, estimé jusqu’à 7 milliards qui a révolutionné le monde des supports et aujourd’hui oublié de tous. Les entreprises doivent profiter de la magie du moment, saisir les opportunités.

Comment faire ? Organiser une écoute collective, une veille partagée. Cela peut prendre bien des formes comme par exemple la communauté de veille, voir une communauté apprenante. Chaque participant peut faire un benchmark au sein de son domaine d’activité, mais aussi hors les murs pour présenter le fruit de sa recherche à l’ensemble du groupe, incarnant ainsi la réalité d’un potentiel. Même des petit groupe peuvent faire un travail remarquable, 5 personnes chacun apportant 2 inventions par an, cela permet à tous d’avoir 10 inventions incarnées par an, c’est beaucoup. Et que dire d’un groupe de 100 ou de 1000 personnes ? Une autre organisation avec des résultats extraordinaire pour tous, et un engagement individuel modeste.

Ce travail d’acculturation au changement pour être opérationnel doit comporter une autre dimension les makers, sortir de la pensée pour être dans le faire. Une communauté qui fait devient un incubateur de compétences nouvelles. Une fois avoir compris la révolution de ChatGPT, du podcasting, des réalités virtuelles, le collectif peut passer à l’acte pour comprendre les usages possibles de l’outil et envisager le potentiel pour le métier, soit en reprenant les potentiels envisagés par les constructeurs, soit en hackant l’outil en lui inventant des usages que le constructeur n’avait pas envisagé. Que l’usage permettent une expérimentation dans l’entreprise, ou non, l’intérêt est dans le fait de gagner en agilité sur les activités du métier, profiter de la folie des opportunités les rendre opératoires et le temps dira celle qui trouvera sa légitimité sociale. Profiter de ce moment schumpetérien avant de revenir au temps de la standardisation qui suivra.

On attribue à Maurice Blondel, cette belle citation, « L’avenir ne se prévoit pas, il se prépare ». Le responsable de formation a la responsabilité de faire de la formation un lieu d’acculturation du monde qui vient et d’incubateur de talents pour répondre à ce monde que l’on ne connaît pas. C’est tout le challenge de la formation contemporaine qui par histoire s’est construite dans un monde fini au sein duquel les objectifs pédagogiques ou formatifs était connus permettant ainsi le cheminement pédagogique. Elle doit aujourd’hui se réinventer pour cheminer sans but précis, outre le cheminement lui-même. Ce qui lui permet de penser son agilité, en préservant le cœur de son activité, le ensemble. Reconstruire totalement ou partiellement ses activités en préservant ce qui fait lien, l’identité des métiers comme nécessité sociale.

Fait à Paris le 10 octobre 2023

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