Comment choisir sa plate-forme LMS ?

par | 27 mai 2025 | Pédagogie, Responsable de formation, Technologie

LMS, TMS, LCMS, LXP, en 30 ans les gestions de la formation changent de nom, mais qu’est ce qui change vraiment dans les plateformes LMS ? S’agit-il de changer les noms pour ne pas changer les choses ou existe-t-il de vraies différences ? La demande croissante de numérisation de la formation a favorisé l’explosion des plates-formes LMS, 83 % des grandes entreprises dans le monde sont dotées d’un LMS, en France, on serait à 74 %, en hausse de 7 points en 1 an. Le marché est en forte croissance reste à savoir comment faire pour choisir son propre LMS ? Lorsque l’on sait que la durée de vie d’un LMS est entre 5 et 7 ans, autant ne pas se tromper dans son choix qui structurera la fonction formation de l’entreprise durablement. Alors, comment faire ?

1, Qu’est-ce qu’une plate-forme LMS ?

Le LMS, Learning Management System, est né avec l’émergence du Training Management System, des systèmes de gestion de la formation qui visait dès les années 40 à organiser la montée en puissance des compétences dans l’armée. L’objectif était de centraliser les plans de formation, de gérer la progression des apprenants, la diffusion des certificats. Le système était d’abord papier puis numérique. IBM lance en 1964, l’IBM System 360 qui révolutionne l’administration de la formation avec des cartes perforées appelées souvent carte IBM. C’est une gestion de la formation, sans écran. L’idée qui prédominait était celle de la traçabilité de la formation. Le terme de LMS a commencé à être utilisé avec WebCT, Web Course Tools, en 1995. Les enseignants pouvaient organiser des modules pédagogiques (courts, test, forums) qui assuraient la gestion des apprenants (droits d’accès, notes, calendrier). En 1997, Saba qui propose un LMS pour les entreprises centrées sur les compétences.

Mais c’est Moodle, crée en 2002, qui fait évoluer le support technique de WebCT qu’il trouvait trop rigide et fermé. Martin Dougiamas, fondateur de Moodle, propose un logiciel en open source que chacun peut utiliser et modifier selon ses besoins avec une pédagogie qu’il se veut résolument centrée sur l’apprenant. Moodle se veut plus qu’un logiciel, c’est un manifeste pour un apprentissage libre accessible à tous les pays. C’est un véritable succès technologique. En 2018, Moodle annonce les 100 000 sites Moodle, aujourd’hui 150 000 dans 237 pays et plus de 100 langues différentes (https://stats.moodle.org/). Aujourd’hui, il existe tout un écosystème Moodle avec une application mobile, des services Cloud, des visioconférences, des badges numériques, des traçabilités TMS et tant d’autres choses. Moodle a permis la démocratisation des plates-formes LMS. En 2019, Moodle Workplace cible les entreprises avec des atouts économiques et de flexibilités tout en assurant une centralisation de la traçabilité.

Avec la montée en puissance de la création de contenus, les entreprises font face à de nouveaux enjeux comme faire évoluer les contenus sans perdre l’historique, « versionner les contenus », mutualiser des modules dans plusieurs formations, collaborer entre créateurs de contenu, l’utilisation de supports de plus en plus variés. Le LMS classique ne permet pas de type de développement. C’est le besoin d’industrialiser la conception de contenu qui a fait évoluer le LMS en LCMS, Learning Content Management System autour de l’année 2010. Aujourd’hui certains parlent encore de LCMS, mais d’autres lui préférant le wording de « auteurs intégrés », « content hubs » ou « content authoring modules ». Eu égard à la montée en puissance du numérique, quasiment toute les solutions LMS intègre les LCMS. Le LMS regroupe alors toute la fonction de l’offre de formation dans un écosystème modulable en fonction des besoins des entreprises.

2, Quels critères pour choisir son LMS ?

Il existe de nombreuses évaluations du nombre de LMS disponibles cela va de 500 à 5 000, autant dire qu’il faut trouver des critères de différenciation. Certains considèrent qu’un bon LMS est celui qui s’intègre dans l’écosystème numérique global : SIRH, ERP, CRM,… Le problème est un faux problème car n’importe quel LMS dialogue avec son environnement numérique, le choix de l’ouvrir ou de le fermer est un choix de stratégie, pas de technique. La formation ne saurait être détachée du pilotage RH et de la gestion des talents. Sous cette réserve un bon LMS est celui qui répond au critère canal historique de traçabilité et de pilotage avec des tableaux de bord personnalisable. Cela pose la question de la culture de l’émulation choisie par l’entreprise (https://affen.fr/pedagogie/faut-il-encore-evaluer-la-formation/) et de sa transformation. Autrement dit, pouvoir adapter l’analyse de datas de façon ergonomique et autonome, ce qui n’est pas toujours le cas. Enfin, le pilotage de la data ne doit pas faire oublier l’adage « Ce que le LMS mesure devient ce que l’entreprise valorise »…

Le second critère est un critère pédagogique. La pédagogie développe des mixtes enrichit comme les classes inversées, les communautés apprenantes, du mentorat, tutorat,… avec des supports variés synchrones et asynchrone comme le texte, l’image, l’audio, la vidéo, la XR. La plateforme, permet-elle pédagogiquement la personnalisation des parcours ou s’agit-il d’une proposition standardisée pour tous. L’offre de formation est aujourd’hui encore comme la télévision face à Tiktok, la télévision nourrit Tiktok, mais la grammaire pédagogique et l’engament tant attendu n’est plus sur la télévision. La pédagogie est essentielle à l’outil, car elle le détermine, encore faut-il avoir une pédagogie dynamique qui réponde au besoin du moment. Le critère n’est donc pas celui d’un support technique, mais bien un critère culturel. Une pédagogie mauvaise reste mauvaise quel que soit le LMS choisi. La stratégie pédagogique doit être prospective ce qui n’est pas facile dans un monde en disruption et voir si le LMS est capable d’adaptation de ce que l’on a pensé et de ce que l’on n’a pas pensé.

L’agilité du LMS est un critère essentiel. Reste à définir quelles sont les composantes de cette agilité. Aujourd’hui, on voit émerger une tendance, la LXP, Learner Experience Platform. Le premier à avoir initié le mouvement est Degreed en 2012. De quoi s’agit-il ? Le LMS est un outil de pilotage standard même si l’adaptative learning permet d’ajuster automatiquement le parcours aux comportements de l’apprenant, à ses préférences, à ses réussites ou ses erreurs. Un bon algorithme permet l’ajustement, ces algorithmes sont rarement apprenant. La LXP a été popularisée par le rapport de Josh Bersin en 2017 (https://joshbersin.com/2017/03/the-disruption-of-digital-learning-ten-things-we-have-learned/). Il considère que l’apprentissage numérique ne se limitait pas à des vidéos accessibles sur mobile, mais à intégrer l’apprentissage dans le quotidien des apprenants pour leur faire vivre une expérience apprenante. De par la puissance de calcul, l’ensemble des LMS intègre ou peuvent intégrer les LXP, si ce n’est pas le cas, il y a un risque d’obsolescence pédagogique et sociale.

3, L’avenir du LMS

Un LMS n’est pas une solution en soi. C’est un outil dont la valeur dépend du projet pédagogique, de la trajectoire technologique et du paradigme social. Gilbert Simondon disait que « L’objet technique ne se réduit pas à sa fonction. Il s’inscrit dans une histoire, dans une culture, dans un usage social » (Du mode d’existence des objets techniques, 1958). Qu’est-ce qu’on veut faire du LMS ? Qu’est-ce qu’on veut tracer ? Si l’usage est de faire du LMS un diffuseur de contenus, il s’agit de s’interroger sur le type de contenu, mais surtout d’interroger les usages et Josh Bersin propose alors d’en faire un « Netflix de la formation », pousser le bon contenu au bon moment. La plateforme doit se doter d’un outil d’analyser du comportement des apprenants pour faire des recommandations intelligentes. Soit on reste 20ième siècle en imposant un format de l’offre, soit on choisit de s’intéresser à la demande. L’apprenant n’est plus un novice dans ses pratiques du numérique, cela challenge les propositions d’ergonomie et de fonctionnalités de la machine.

La LXP est l’expression technologique de ce tournant pédagogique : passer de la formation administrée à un apprentissage vécu. Elle repose sur un pari : que l’expérience vécue par l’apprenant est la première condition de l’engagement. « Toute véritable éducation se produit par l’expérience » (John Dewey, Experience et education, 1938). La LXP s’inspire des principes de l’UX design en proposant des interfaces intuitives, adaptatives, fluides. L’expérience de formation s’aligne sur les usages numériques classiques. Le LMS classique est conçu pour assigner des formations, les nouvelles générations proposent à l’apprenant de choisir ses contenus, suivre ses intérêts, adapter son rythme. Ce fonctionnement rejoint les travaux d’Edward Deci et Richard Ryan sur l’autodétermination des apprenants. « Les individus sont plus motivés lorsqu’ils agissent par choix, et non sous la contrainte » (Instinsic motivation and self-détermination, 1985). Le 21ième siècle sera la siècle de l’apprenant.

Qu’est-ce que cela change pour le LMS ? L’expert laisse la place à l’apprenant. Cela veut dire qu’il faut connaître les apprenants, ce que la data permet, mais surtout intégrer ses aspirations apprenantes. Ivan Illich dit que l’apprenant doit devenir auteur de ses apprentissages. Le numérique développe des outils de création comme iSpring ou Articulate, l’apprenant devient de plus en plus Learner Generated Content (LGC) ce qui donne des matériaux extraordinaires pour partir de l’apprenant, le LMS permet-il de façon ergonomique de créer du contenu par l’apprenant. L’IA va renforcer ce phénomène. Que fait le LMS de l’apprenant ? Allons plus loin, les apprenants peuvent-il s’évaluer eux-mêmes, se créer des badges de compétences ? Peuvent-ils devenir force de positions dans l’évolution des fonctions du LMS ? Ces questions dépendent de la stratégie que le responsable de formation aura de son métier. La question technique est de savoir si l’outil peut s’adapter facilement.

Choisir un LMS, c’est imaginer ce qui n’existe pas encore. C’est un acte stratégique, anticiper la formation de demain pour ne pas être contraint par un outil obsolète : centralisé, décentralisé, linéaire, modulable, … Un dispositif n’est jamais neutre, il organise, autorise, contraint. Le LMS est une pédagogie qui ne dit pas son nom. Quelle pédagogie veut-on pour les années à venir ? Le LMS sera aussi un outil de marketing, d’érotisation de la formation, donner envie d’apprendre seul ou ensemble. Avec la montée en puissance de l’émotion dans le parcours de formation, le LMS pourra surprendre l’apprenant, pour tisser une toile apprenante. Bernard Stiegler considère qu’une innovation créer des nouveaux usages. L’innovation ne se limite pas à la satisfaction de besoins existants, mais engendre de nouveaux comportements ainsi que de désirs. Un LMS innovant, c’est faire advenir un usage que personne ne réclame encore.

Fait à Paris, le 27 mai 2025

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